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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

livres

Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


Hier soir, avec l’amie Hespéride alias Isabelle Bauthian, nous étions conviés (par l’intermédiaire d’un autre site, mais j’y reviendrai) à la rentrée littéraire des Editions Bragelonne. Mais qu’est-ce donc ? Bragelonne est une maison d’édition qui existe depuis le 1er avril 2000, montée par un petit groupe de passionnés de fantasy. 8 ans après, pour faire comme les autres éditeurs, ils ont proposé à un groupe de privilégiés (environ 100 personnes ?) de venir avec eux fêter leur rentrée… Voici donc mon compte-rendu.



Le rendez-vous était dans les Caves Saint-Sabin, un lieu sympathique que j’ai déjà eu la chance de voir. Mais cette fois-ci, pas d’obligation vestimentaire particulière, nous pouvions déambuler librement sous les voûtes. A 18h30, heure à laquelle nous descendons, il y a déjà une trentaine de personnes en train de prendre un verre, de discuter, de feuilleter les ouvrages publiés par Bragelonne et exposés sur deux tables en bois. Parmi les convives, je reconnais d’emblée Alain Névant, le boss, dont je reparlerai ultérieurement, mais aussi Gérard Guéro, moitié d’Ange, que j’ai eu le plaisir d’interviewer récemment. Lui aussi me remet, et nous commençons à discuter. L’atmosphère est sympathique, visiblement plusieurs « mondes » se côtoient : édition, bandes dessinées, cinéma… Aux alentours de 19h, une charmante hôtesse bat le rappel : Stéphane Marsan, Directeur éditorial de Bragelonne, s’apprête à entamer son allocution. Nous nous installons dans la grande salle, avec nos verres de cidre, de bière ou de jus de fruits. L’homme est élégant, mais peu habitué à faire des discours. Il commence par une anecdote au sujet des Alcooliques anonymes et de Jack Palance, acteur légendaire aujourd’hui décédé, pour faire le parallèle avec son amour de la fantasy. D’entrée l’ambiance se décontracte, et il entame l’histoire de la maison d’édition qu’il a cofondée.



Cette création répondait à un besoin, fort, de combler un certain manque éditorial en France. Une envie irrépressible de publier de la fantasy. Publier des récits imaginaires, mais dans des conditions optimales, l’offrir au grand public avec des maquettes attractives, des couvertures qui pètent, mais aussi proposer de la variété, du nombre. Afin qu’enfin, la fantasy soit visible, attrayante. En 2000 trois ouvrages sont sortis. Il y en a maintenant plus de 300 au catalogue. Aujourd’hui Bragelonne est le premier éditeur de l’imaginaire en France, pour ne pas dire le seul. Du coup l’équipe éditoriale tente un coup, que je trouve osé, pour ne pas dire surprenant : créer la concurrence ! C’est comme ça que Milady a vu le jour, Milady étant un label qui réédite certains titres du catalogue Bragelonne, mais en poche, et qui propose l’édition de nouveaux titres en grand format. Le but est aussi de toucher d’autres publics avec Milady. Des gens qui aiment la fantasy, mais ne sont pas prêts à mettre 25 euros dans un bouquin, toucher le public féminin via des maquettes différentes… Lorsque le tome 2 d’un cycle sortira en grand format, le tome 1 sortira en poche. Il y aura aussi des sorties de livres sous jaquettes, pour en faire des beaux livres, créer une bibliophilie nouvelle basée sur la beauté, la rareté de l’objet. En bref, permettre à la fantasy de franchir les barrières, de la faire entrer dans le cénacle de la littérature tout court, comme le roman policier l’a fait il y a 15 ou 20 ans.



Dans la deuxième partie de son intervention, Stéphane Marsan s’attache à placer les auteurs emblématiques de la maison d’édition dans cette perspective.
Le premier auteur dont il parle est Terry Goodkind, et en particulier de son cycle L’Epée de vérité. Goodkind est l’auteur de fantasy le plus vendu en France, et c’est le dernier prodige en date de la fantasy américaine. Le tome 8 de sa saga sort en fin d‘année. Pour marquer le coup, Bragelonne va également publier une de ses novellas en tirage limité et luxe. Le second auteur évoqué est Robert Howard, auteur symbolique du genre puisqu’il est le créateur de Conan. Bragelonne veut aussi faire dans le patrimoine en revenant sur ces pionniers, qui provoquent beaucoup d’émotions chez les amateurs. Par conséquent le cycle de Conan est déjà en cours de réédition, avec une nouvelle traduction. De même pour Solomon Kane, du même auteur.
Vient ensuite David Gemmell, auteur emblématiquissime de chez Bragelonne. C’est en effet la publication de Légende, en novembre 2000, qui lança véritablement la maison d’édition. David Gemmell, disparu subitement il y a deux ans. Un Gemmell qui était presque un père pour l’équipe de Bragelonne, qui était très attentif aux choix éditoriaux, qui déambulait régulièrement dans Paris (je pense l’avoir croisé plusieurs fois en librairie, mais sans le savoir). Gemmell, qui amené la fantasy sur des terres épiques d’une puissance évocatrice presque sans équivalent. Sa littérature est humaine, mais aussi très forte et efficace. Bragelonne publie actuellement sa dernière série, Troie. L’évocation de Stéphane Marsan est poignante mais courte, l’émotion étant palpable.

Mais plutôt que de se reposer sur ses (glorieux) lauriers, Bragelonne se tourne vers l’avenir. L’avenir, c’est d’abord le cycle de Kushiel, par Jacqueline Carey. Le fan de fantasy qui sommeille (ou pas, en fait) chez Stéphane Marsan s’éveille, ses yeux s’allument. Pour lui le premier roman, La Marque (qui est le nom de l’héroïne, une sorte d’espionne, de mata-hari transposée en fantasy) va révolutionner le genre. Jacqueline Carey serait une auteure de la trempe de Robin Hobb, George RR Martin, ou encore David Gemmell, rien que ça. C’est un roman dense, touffu, doublé d’une fresque troublante, aux accents érotiques, presque sado-masochistes, assumés. Cette auteure est emblématique de la volonté de l’éditeur de multiplier les thématiques, de proposer des histoires plus adultes. Stéphane Marsan parle de « Bitlist », qui est un ensemble d’auteurs et d’œuvres qui assument leur héritage d’histoires noires, d’histoires de vampires, avec des héroïnes fortes, mais aussi de la romance, des sentiments, et de l’action entremêlés. Avec aussi le désir de renouer avec le feuilleton classique. Tout cela pour permettre une lecture purement distrayante, une tendance qui submerge actuellement le marché anglo-saxon.

Comme je l’ai dit, Bragelonne veut aussi faire du patrimoine en fantasy. C’est pour cela que des auteurs comme Terry Brooks, Raymond E. Feist et Fritz Leiber y trouvent leur place. Une œuvre comme Princess Bride, de William Goldman, également.
Mais Bragelonne souhaite également faire découvrir de nouveaux auteurs, 7 ou 8 chaque année. Stéphane Marsan nous parle donc des dernières découvertes maison. En premier lieu James Clemens, dont les récits parlent d’une héroïne qui se découvre des pouvoirs, mais aussi Fiona Mc Intosh, dont l’œuvre séduit des lecteurs non fans de fantasy, ou encore Trudi Canavan, qui est lue par des jeunes amateurs de 10-11 ans, mais aussi des adultes. Bragelonne publie également des auteurs d’autres pays que la traditionnelle sphère anglo-saxonne, tels que Janny Wurts, qui est allemande. Les Allemands, qui appartiennent à la sphère anglo-saxonne, et sont plus ouverts à la fantasy.



Stéphane Marsan parle encore d’autres auteurs symboliques, comme EE Knight, dont l’œuvre sera directement publiée en poche, RA Salvatore, qui a beaucoup écrit dans l’univers des Royaumes oubliés, ou encore Pierre Pevel, auteur français qui sera bientôt traduit en anglais. Il évoque aussi Laurent Genefort, l’un des chefs de file de la SF française, qui s’est mis récemment à la fantasy, d’Ange, scénariste bicéphale de bande dessinée qui exerce aussi dans la traduction, le scénario de télévision, mais aussi, avec un certain bonheur, dans la littérature de fantasy. Ange, qui écrit un nouveau cycle avec un concept fort, l’histoire d’une jeune femme qui peut transformer la douleur en plaisir. Marsan a invité Anne Guéro, une moitié d’Ange, à venir en parler brièvement au micro.



Sont également évoqués Richard Morgan, dont le roman, Carbone modifié, fait se télescoper science-fiction et polar. Carbone modifié va être réédité en poche, et son second roman, Blackman, va sortir en fin d’année.



Bragelonne, c’est au départ la fantasy, mais petit à petit les genres se diversifient. Science-fiction (avec la collection les Trésors de la SF, dirigée par Genefort, qui publie notamment Julia Verlanger), mais aussi terreur et fantastique. Des œuvres fortes, spectaculaires, qui proposent également une relecture, un regard particulier sur notre monde, nos valeurs morales. Jack Ketchum, avec son Une Fille comme les autres, a fait forte impression sur l’éditeur. Le bandeau qui entoure le roman en témoigne : Ce livre est insupportable, je ne l’oublierai jamais. On nous parle également de Robert Mc Cammon, qui avait fait une arrivée remarquée au début des années 90 dans la littérature de terreur, puis avait disparu avant de revenir avec un roman énorme, dont je vous parle par ailleurs. Benoît Domis, traducteur de ces deux auteurs, est venu parler brièvement de son travail et des surprises à venir.



Bref, après ce tour d’horizon gouleyant, Stéphane Marsan parla de son plaisir d’être éditeur de l’imaginaire et nous invita à venir discuter, échanger autour de ces thèmes, tout en sirotant une boisson et dégustant un buffet médiéval. Et, cerise sur le gâteau, à nous servir parmi les ouvrages disponibles sur les tables, nous promettant également de repartir avec les épreuves non corrigées de 3 ouvrages à venir, parmi lesquels le roman d’Ange, et celui de Jacqueline Carey !!



Hespéride et moi nous mélangeons donc, discutant avec Emmanuel Baldenberger, qui s’occupe des relations avec les libraires, Ange, encore et toujours, Aléthia, du site Elbakin, site que j’apprécie beaucoup et depuis longtemps. Il y a même un rédacteur de Jeu de rôle Magazine qui vient me voir. Et puis, le plaisir de rencontrer Guillaume et Pierre, du site Babelio.com, puisque c’est Guillaume qui m’a proposé de venir à cette soirée. Après avoir pillé la table des bouquins, j’essayai de trouver Alain Névant, avec l’aide de Stéphane Marsan, pour évoquer avec lui le bon temps d’Ozone… Mais on reparlera de tout ça un jour.




Pour ma part j’ai passé une excellente soirée, en compagnie de passionnés, et je souhaite une longue vie à Bragelonne et Milady !

Je vous invite bien sûr à aller faire un tour sur le site de cet éditeur incontournable.


Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres
C'est mon ami Pierig qui m'a donné le lien. Il s'agit d'une page où vous pouvez admirer les couvertures de 5.000 oeuvres de science-fiction.

Une curiosité à aller voir.

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres
 
Nous sommes à la fin du 21ème siècle. Les plus grandes cités se sont regroupées par de gigantesques réseaux souterrains, supposés sécurisés. En-dehors, c’est le pays des Horcites, où règnent le chaos, la pollution, les épidémies…

Dans le réseau de NyLoPa (qui regroupe New York, Londres et paris), pourtant, une série de morts effroyables commence à semer la terreur. Une brigade de police spéciale est chargée de mener l’enquête. Nous suivons donc Ganesh, un Fouineur, c'est-à-dire un flic équipé d’une biopuce implantée dans son cerveau. Cette biopuce lui communique données et probabilités en temps réel pour faire avancer son enquête. Ganesh mène donc ses recherches pour trouver ceux que l’on surnomme très vite les Ombres, à cause de leur action ravageuse et leur faculté à ne laisser aucune trace. Et chez les Horcites, c’est Naja, une jeune femme intrépide dont la famille périt dans un incendie provoquée par ceux qu’on surnomme les Cavaliers de l’Apocalypse.

 





L’originalité de ce projet tient en son support. En effet il s’agit de fichiers mp4, c'est-à-dire d’images fixes (type BD) que l’on anime légèrement pour illustrer un texte lu par des comédiens accompagnés d’effets sonores. L’ensemble de la série est disponible via plusieurs possibilités. D’abord l’abonnement, fixé à 2 euros par mois, qui permet de recevoir par e-mail un épisode par semaine. L’abonnement annuel coûte 20 euros (pour 40 épisodes). Vous pouvez aussi découvrir la série sur un DVD découverte (15 épisodes) au prix de 9,99 euros dès la rentrée. Les épisodes durent de 12 à 15 minutes. La durée a été réduite en cours de route pour « coller » aux attitudes des spectateurs (qui s’agitent au bout de 10 minutes de visionnage). Il est également possible de retrouver ces épisodes sur le site d’une grande enseigne culturelle consacré au téléchargement légal au prix de 0,70€ l’épisode. Le passeport sur la saison ou l’abonnement annuel comprennent l’envoi d’un DVD comprenant tous les épisodes et des bonus en fin de saison.

 

A l’origine du projet, Bruno Martinaud et Rubi Cortes, patrons de la société mp3minutes. Leur idée ? Réaliser des séries mp3 professionnelles (à la différence du Donjon de Naheulbeuk, par exemple) à destination du grand public. Il contacte Pierre Bordage, auteur de science-fiction très connu, afin de réaliser une série « intensément dialoguée et ponctuée par des récitants, mis en scène et produite selon le savoir faire de l’industrie cinématographique, illustrée par une BD-video mais avec une bande audio totalement indépendante pour s’ajuster aux situations limitées à l’écoute. » (j’ai repris l’argumentaire de l’éditeur, qui me semble bien détourer les caractéristiques du projet).

 

Pierre Bordage s’est fait un nom depuis la parution en 1994 des Guerriers du silence (qui a lui-même été adapté en BD). Son univers est caractérisé par une grande richesse, un humanisme qui ne se dément pas, c’est l’un des chefs de file de la SF française. Parmi ses plus grands succès on trouve Les fables de l’Humpur, la Citadelle Hyponéros, Abzalon et Wang. Pour réaliser concrètement ces Chroniques des Ombres, les producteurs font appel à un casting vocal de premier choix ; je citerai les acteurs habituellement doublés, ce sera plus parlant : Morgan Freeman, George Clooney, Cameron Diaz, Christina Ricci, Scarlett Johansson, Nicole Kidman, Gwyneth Paltrow, Uma Thurman ; certains ont aussi travaillé pour Smallville, Les experts, Les Guignols de l’info...

Côté illustration, c’est là encore une belle équipe qui est constituée, mais pas vraiment de stars, plutôt des illustrateurs free lance ou des character designers de jeux video. Notons quand même le nom de Gilles Francescano, connu pour illustrer de nombreuses couvertures de SF chez Folio SF ou le Livre de Poche, Grelin, dessinateur des séries Hazard et La Colo chez Soleil, ou encore Stéphanie Hans, qui réalise Galathéa (Emmanuel Proust Editions). L’habillement musical est assuré par Laurent Dury et Jean-Pierre Limborg, aux influences classiques et jazzy.

 

En complément des épisodes, le site internet officiel propose de nombreuses ressources : des informations sur la production, sur l’univers des Chroniques des Ombres (les personnages, NyLoPa, la biopuce, le pays vague, l’évolution du monde)… On y trouve également des extraits et résumés de chaque épisode, des fonds d’écran, mais aussi un espace communautaire comportant des fora, un espace fan-art, des jeux et une newsletter.

 





Ayant pu me procurer le DVD découverte comportant les 15 premiers épisodes, j’ai pu juger de la qualité de la série. Les premiers épisodes durent 15 minutes, et l’on sent un certain tâtonnement dans la réalisation. Les styles graphiques sont assez diversifiés, trop peut-être. On a du franco-belge avec des influences manga, du dessin typique de BD ou de l’illustration, et même des dessins qui ressemblent plus à des esquisses qu’à des cases encrées. De plus le son n’est pas toujours très bon, et quelques sautes sonores par-ci par-là hachent un peu la progression du récit. Mais au fil des épisodes les défauts sont gommés, notamment certains soucis de rythme. Assez vite on rentre dans l’histoire, les qualités de conteur de Pierre Bordage étant intactes. Un autre point positif dans la conception, au début de chaque épisode un récitant, homme ou femme, fait le résumé de l’intrigue. Pratique quand on n’a pas visionné un épisode depuis longtemps. Au début de chaque épisode on entend également ce qui est présenté comme un extrait d’ouvrage scientifique, sociologique, philosophique, un proverbe…

 





Au bout du visionnage des 15 premiers épisodes, le bilan (provisoire) est très positif. Bordage a écrit une intrigue complexe, une sorte de puzzle dont les morceaux sont à raccrocher ensemble, et les comédiens donnent une vie sacrément prenante aux personnages. J’aime par exemple beaucoup Naja, à la fois courageuse et sensible, mais aussi Josp, un mutant qui fait un peu penser à Gollum, mais dont le caractère est empreint d’innocence. Les dessins sont sympas, j’en préfère bien sûr certains par rapport à d’autres, mais il y a là encore de beaux talents. L’univers développé par Bordage, nous montrant une France retournée à l’état médiéval à côté des Cités unifiées, s’il n’est pas original, a le mérite d’être cohérent et d’offrir de multiples possibilités narratives. Très encourageant.

 

Si vous voulez en savoir plus, visitez le site officiel, ou même regarder cette bande-annonce.

 

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


WORLD WAR Z

 

Films, bandes dessinées, jeux vidéos, jeux de société, depuis quelques années les zombies, morts-vivants et goules font un retour en force, après celui effectué quelques années plus tôt par leurs cousins vampires. C’en est arrivé au point que même le fan de nos amis décomposés peut finir par frôler l’indigestion. Pourtant, malgré ma lassitude de les voir resservis à toutes les sauces, je lorgnais depuis longtemps sur World War Z de Max Brooks (par ailleurs auteur d’un Zombie Survival Guide). Sous-titré An Oral History of the Zombie War, le livre est présenté comme un documentaire et nous raconte un conflit qui, dans un futur très proche, oppose l’humanité entière à une invasion de zombies.

 

Créés par un virus d’origine inconnue, les zombies de World War Z ressemblent à l’idée que l’on peut se faire de ces bestiaux depuis La Nuit des Mort-Vivants : des créatures lentes et dépourvues d’intelligence, uniquement mues par une faim inextinguible de chair fraîche, qui propagent leur infection par morsure et ne peuvent être stoppées que par la destruction de leur cerveau. L’épidémie démarre en Chine et se propage rapidement sur toute la planète. L’humanité lutte du mieux qu’elle peut, mais s’organiser face à cette menace inédite et terrifiante se révèle extrêmement difficile, et ce n’est que de justesse que l’on échappe à l’extinction complète, après une dizaine d’années de “guerre mondiale” contre ces envahisseurs venus de l’intérieur et dont les rangs augmentent chaque fois que diminuent ceux de leurs victimes.

 

C’est par une série de témoignages émanant de tous les continents qu’est racontée la “Zème Guerre Mondiale” : le début de l’épidémie, les premières tentatives pour l’endiguer, la propagation globale du mal, la “Grande Panique”, la résistance inefficace de l’armée, l’organisation pour la survie… On voit se dérouler le conflit étape par étape, à travers les yeux de ceux qui l’ont vécu, à différents niveaux de la société. On lira tour à tour les récits d’un médecin ayant constaté l’un des premiers cas dans un petit village ; d’un “passeur” qui a contribué à la catastrophe en aidant des personnes infectées à quitter clandestinement la Chine ; d’un chirurgien ayant transplanté des organes contaminés ; d’un ponte de l’industrie pharmaceutique sans remords d’avoir commercialisé un vaccin bidon ; d’un garde du corps dont l’employeur s’est enfermé avec des célébrités dans un bunker de luxe pour y produire une émission de télé-réalité en marge des événements ; d’un réalisateur de cinéma amené à tourner des films de propagande pour remonter le moral de la population ; de militaires que l’incompétence de leurs officiers a conduits à la débâcle ; de simples civils ayant fui et survécu comme ils pouvaient ; de ceux qui ont fini par planifier des méthodes effroyables mais efficaces pour éviter l’apocalypse totale, réorganiser les zones “sûres” puis contre-attaquer ; de soldats qui ont lutté pour regagner le terrain perdu ; d’un mercenaire accro à la lutte anti-zombies et qui craint de n’en avoir bientôt plus aucun à tuer…

 

Si le livre fournit à l’amateur de zombies son quota de têtes qui explosent, de tripes qui dégoulinent et de scènes d’angoisse (très réussies), c’est surtout par son côté troublant de réalisme que World War Z est remarquable (et qu’il glace bien plus le sang qu’une simple succession de confrontations brutales entre vivants et morts). Le livre n’omet aucun aspect, politique, social, économique, psychologique, des causes et conséquences de l’horreur, et ne sombre jamais dans la grosse satire tarte-à-la-crème (du style “Ha ! Voyez, en réalité, tout ça c’est une allégorie hyper profonde de l’Amérique de George Bush/la société de consommation/la ségrégation raciale !!!”) tout en proposant évidemment, comme toute bonne œuvre de science-fiction, plus qu’un simple exercice de style consistant à rendre crédible un futur hypothétique résultant d’événements n’ayant jamais eu lieu. Car Max Brooks n’est jamais lourd, jamais binaire, et c’est par petites touches qu’il distille son ironie, comme dans ce récit d’un homme politique expliquant la difficulté de rebâtir une communauté et une économie détruites alors que la majeure partie de la population est habituée à exercer un métier “inutile” comme consultant, analyste ou communiquant...

 

Le livre s’essouffle malheureusement vers la fin ; après une longue série de témoignages si captivants qu’on se dit souvent “Dommage que ça s’arrête, parce que rien qu’avec cette histoire-là il y avait de quoi tirer tout un roman, ou au moins tout un chapitre supplémentaire”, la plupart des récits des dernières parties se révèlent nettement plus faibles et on pourra se sentir floué par cette conclusion un poil poussive. 40 pages assez fades sur les opérations de nettoyage d’après-guerre ou la disparition des baleines, après 300 pages d’une plongée passionnante et cauchemardesque dans un enfer apocalyptique, je n’irais pas jusqu’à dire que ça gâche tout, mais la déception est grande. Malgré ça, il serait vraiment regrettable de passer à côté de cet excellent bouquin qui, au-delà du public des aficionados de zombies, a de quoi séduire tout amateur d’anticipation. Il convient juste de signaler que le livre n’a pas encore été traduit en français, ce qui pourra en rebuter plus d’un, encore que le vocabulaire et le niveau de langue devraient permettre à n’importe quel lecteur ayant quelques années d’anglais au compteur et un bon dictionnaire de poche de ne pas se sentir trop perdu.

 

Toxic.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres

Avec ce tome, je clos une grosse session de lecture consacrée à Tolkien. Pour mémoire, j’ai lu également Les Monstres et les critiques et autres essais, Le Seigneur des Anneaux ou la tentation du Mal, et plus récemment Tolkien, 30 ans après. Je n’épiloguerai pas sur ces lectures, il vous suffit de suivre les liens pour en savoir plus.


Aujourd’hui je vous entretiendrai donc de ce conte des Enfants de Húrin, personnages très importants du cycle d’Arda. Les évènements contés dans ce tome prennent pied des milliers d’années avant Le Seigneur des Anneaux. La Terre du Milieu est en proie aux luttes entre Morgoth, le premier Seigneur ténébreux (et maître de Sauron, qui fera des misères à cette même terre du Milieu plus tard), et les Elfes, alliés aux Hommes. Húrin était le seigneur de Dor-Lomin, une petite terre ceinte par les montagnes dans le nord du Beleriand. Le Beleriand se trouve au nord des régions où se déroule l’action du Seigneur des Anneaux. Au cours d’une bataille Húrin fut capturé par les Orques à la solde de Morgoth, lequel le somma de lui indiquer l’entrée du royaume de Gondolin, une cité cachée dans les montagnes mais recelant de nombreuses richesses. Fier, Húrin refusa de céder, et Morgoth l’enchaîna au sommet d’une montagne dominant le Beleriand, d’où il put voir, 28 ans durant, tout ce qui s’y passa, par le prisme déformant de Morgoth. Ce dernier lança une terrible malédiction sur les enfants du seigneur de Dor-lomin, Túrin et Niënor.


Le Beleriand.

Le roman raconte, sous forme de conte, la vie aventureuse et errante du frère et de la sœur, surtout Túrin. Il fut d’abord envoyé au royaume de Doriath, tenu en sécurité par les Elfes sindarin dirigés par Thingol. Túrin devint un robuste guerrier, quelque peu impulsif et fruste. Au cours d’une dispute, il tua accidentellement un notable Elfe, et décide lui-même de s’enfuir, vouant son existence à l’errance, sous divers noms d’emprunt. Devenu le chef d’une bande de hors-la-loi, il combattit farouchement les Orques qui commençaient alors à envahir le Beleriand. Il fut ensuite amené à Nargothrond, un autre royaume elfe, où il devient un capitaine au succès fulgurant, se substituant rapidement au maître légitime des lieux, Orodreth. Mais bientôt les armées maléfiques s’abattent sur la cité, menées par le Ver Glaurung, qui annonça avant de s’échapper à Túrin son destin funeste. Túrin décida alors de repartir chercher sa sœur et sa mère, hélas parties depuis longtemps de Dor-lomin. C’est là que Glaurung réapparut, ensorcelant la jeune fille et lui faisant perdre totalement la mémoire tandis que sa mère disparaissait. C’est Túrin qui la recueillit dans la forêt de Brethil, et s’occupa d’elle. Et bien sûr, ils tombèrent amoureux, et Niënor –rebaptisée Niniel (« la jeune fille en pleurs »)- épousa Túrin et conçut un enfant avec lui. C’est le moment que choisit Glaurung pour réapparaître et menacer leur bonheur. Túrin le tua, non sans apprendre par la bouche du ver (qui se fit ainsi la voix de Morgoth) l’identité de la jeune fille qu’il trouva un jour errant dans les bois. Recouvrant la mémoire avec le dernier soupir de Glaurung, Niënor ne put supporter la vérité et se jeta du haut d’une falaise. Túrin, arrivé trop tard pour la retenir, supplia son épée elfique de boire son sang. Ainsi s’achève l’histoire dramatique des enfants de Húrin…

Tùrin vu par John Howe.

Quelle histoire, n’est-ce pas ? Túrin Turambar est sans doute l’un des personnages les plus tragiques (au sens du théâtre grec du terme) jamais créés par Tolkien. Exilé, meurtrier d’un notable, de l’un de ses meilleurs amis et soutiens, il causa la perte de Nargothrond, jusque-là inviolable, par ses ambitions guerrières. En outre il perdit ses parents (qui se recueillirent plus tard sur sa tombe, Húrin libéré et Morwen revenue des ses errances), épousa sans le savoir sa sœur… Cette épopée fut écrite par l’auteur au cours de la première guerre mondiale, à une époque où les Hobbits n’existaient pas encore dans son imaginaire, mais n’avait pas encore été livrée de façon exhaustive aux lecteurs. En effet elle existait sous une forme embryonnaire dans le Livre des Contes perdus. C’est encore une fois son fils Christopher qui, rassemblant des notes, comblant les trous, corrigeant les incohérences, qui nous permet d’avoir ce récit dans son intégralité. Il nous permet par exemple d’avoir une relation conséquente de Nirnaeth Arnoediad, la bataille des Larmes Innombrables (un nom que je trouve sublime), une bataille où Nains, Elfes et Hommes furent unis pour combattre l’Angband, tenu par Morgoth. Cette bataille causa la perte de Húrin, comme je le disais plus haut, et constitua un basculement dans l’histoire de la terre du Milieu, puisqu’après Morgoth put contrôler la quasi-totalité du Beleriand.

EDIT du 4 août : Je tenais à souligner le travail d'édition remarquable de Christopher Tolkien, à l'attention des nombreux lecteurs qui ne baigneraient pas dans l'ambiance et l'univers de la Terre du Milieu. En effet en fin de tome se trouve un index des noms propres présents dans le conte. C'est vrai qu'il est parfois difficile de tout retenir, a fortiori quand les personnages et parfois les lieux changent de noms. Même moi j'avais un peu de mal par moments. J'ai essayé justement de ne pas trop en rajouter à ce niveau dans ma chronique. En complément de cet index se trouve une carte des lieux des évènements relatés, qui sans être complète, permet tout de même de se situer un peu dans l'espace. Seul reproche à faire aux éditeurs, la connexion géographique avec l'action du Seigneur des Anneaux n'est pas aisée.

Les Enfants de Húrin
constitue l’un des récits les plus épiques de Tolkien, à rapprocher bien sûr de son Seigneur des Anneaux. Une lecture très dynamique.

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres

Je continue mon exploration de l’arrière-boutique de l’œuvre de JRR Tolkien, avec cet ouvrage paru il y a 4 ans, célébrant les 30 ans de la disparition de l’auteur du Seigneur des Anneaux. Dirigé par Vincent Ferré, Maître de Conférences en Littérature générale et comparée à l’Université Paris XIII, cet ouvrage se veut un jalon sur la recherche au sujet de l’un des plus grands auteurs du XXème siècle.

Les articles, rédigés par de nombeux chercheurs français, américains, britanniques, québécois et italiens, sont introduits par un article du directeur sur la réception critique de l’œuvre de Tolkien en France. Il est à noter que jusqu’en 1977, et donc la parution –posthume, car achevée par son fils Christopher- du Simarillion, Tolkien n’était perçu, en tant qu’écrivain, que comme l’auteur du Seigneur des Anneaux, paru pour la première fois 20 ans auparavant. A partir du Silmarillion, les choses changent. Tolkien n’est plus seulement un écrivain contant les aventures d’un groupe de personnes dans un décor de fantasy, mais un démiurge qui a non seulement jeté les bases d’un univers séduisant, mais surtout développé de façon encore jamais vue ledit univers, avec sa cosmogonie, sa chronologie, ses langues et sa mythologie. Une mythologie dont, selon Tolkien lui-même, l’Angleterre manquait cruellement. Son objectif était donc de réaliser cette mythologie.

Mais revenons aux sources ; le principal artisan de la découverte de l’auteur en France est Christian Bourgois, l’éditeur qui l’a publié en 1972-1973, soit juste avant la mort de l’écrivain. Fait cocasse, Bourgois a publié Tolkien sans le lire, se basant sur les conseils de Jacques Bergier, écrivain qui l’évoquait dans Admirations.


Après ces apéritifs, le recueil entre dans le vif du sujet avec une première partie intitulée Confluences. On y trouve une étude du fameux tournoi d’énigmes entre Bilbo et Gollum (dans Bilbo le Hobbit), inspiré par des œuvres plus anciennes, notamment issues de la mythologie nordique, grand champ d’étude de Tolkien. L’article suivant s’attache à analyser la place du Seigneur des Anneaux dans une tradition plus vaste, qui s’étend géographiquement à tout le continent eurasisatique. C’est la figure de l’anneau, ou du cercle, qui préside à cette tradition. Paul Airiau, historien spécialiste des religions, s’est lui attaché à analyser l’une des scènes les plus marquantes du Seigneur des Anneaux, à savoir la chute de Gandalf dans les ténèbres de la Moria. Il propose une lecture spirituelle de la séquence, montrant la présence d’un entité suprême qui a tiré les ficelles lors de ce seul évènement. Au travers de cette lecture, et d’autre, les chercheurs appuient sur un élément souvent ignoré dans l’œuvre de Tolkien : sa foi profonde, qui transparaît finalement assez peu dans ses écrits, bien moins cependant que chez son ami Clive Staple Lewis, auteur du médiocre Narnia écrit à la même époque. Cette influence de la religion et des traditions indo-européennes est également analysée à travers la présence et la lutte entre le Bien et le Mal dans toute l’œuvre romanesque de Tolkien (enfin du moins dans ce qu’on appelle le cycle d’Arda, Arda étant le nom du monde).

La seconde partie, intitulée l’Arbre et ses branches (quel beau titre) nous propose de rentrer plus précisément dans la trame narrative de l’œuvre. On commence par une enquête sur l’origine des langues inventées, ou plutôt adaptées par Tolkien. On y trouve une analyse fine, ainsi que des tableaux schématiques représentant les similitudes entre les langues d’Arda et l’évolution de la langue anglaise, depuis le proto-germanique jusqu’à l’allemand, le frison, le yiddish, les dérivés néerlandophones (hollandais, flamand, afrikaans), les langues scandinaves et bien sûr, l’anglais moderne. Michaël Devaux, agrégé de philosophie, nous propose ensuite une approche méthodologique afin de lire la somme romanesque de Tolkien. On apprend ainsi que l’auteur a réalisé plusieurs versions de ses œuvres (ce qui n’étonnera personne, vu que Tolkien n’estimait jamais ses textes comme finis), que le Silmarillion a connu une première version 60 ans avant sa publication finale, en 1977. Il est à noter que c’est Guy Gavriel Kay, autre auteur de fantasy connu, qui a aidé Christopher Tolkien à acherver la rédaction de ce recueil. L’œuvre de Tolkien est truffée de paradoxes, puisque Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit sont des textes publiés mais non définitifs, et que l’Histoire de la Terre du Milieu et le Silmarillion, en particulier, sont des textes définitifs (si l’on fait confiance aux continuateurs du Maître), mais non autorisés par l’auteur.

Au cœur de ces mélanges survient –et ce n’est pas innocent- l’analyse de l’un des textes les moins connus de JRR Tolkien, Feuille, de Niggle. Ce court récit ne prend pas place dans le cycle d’Arda, mais se pose en fait comme une sorte de manifeste de l’écrivain que tente d’être Tolkien. Jérôme Bouron, doctorant en littérature générale et comparée à Paris XIII, parle même de « testament poétique préalable », d’ »incarnation transparente de la théorie esthétique de Tolkien ». celui-ci livre dans ce récit ses peurs, son mode de pensée, ses réflexions sur son travail, se livrant un peu, mais finalement pas tant que ça. La longue métaphore au sujet de l’arbre et de ses ramures vaut à elle seule la lecture de ce petit texte, que l’on peut trouver dans Faërie.


L’ombre noire constitue la troisième partie du recueil. Comme vous vous en doutez, nous y trouverons les analyses (mais aussi les origines littéraires) de nombre de figures maléfiques présentes dans Le Seigneur des Anneaux, telles que les orques, les Êtres des Galgals ou les Spectres de l’Anneau, dont les origines ne sont pas toujours claires dans le récit. Le second article propose une lecture géographique du Mal, ce qui nous amène au dernier article de cette troisième partie, qui s’est penché sur le racisme chez l’auteur. On a souvent reproché à Tolkien des relents de racisme dans ses écrits, notamment dans la personnification ou la manière de s’exprimer de ses créatures maléfiques. C’est le voisinage temporel de la publication du Seigneur des Anneaux (en 1954-55, rappelons-le), qui a amené de nombreux commentateurs à faire ce rapprochement. Mais Tolkien a toujours clamé, et ce dès la montée du nazisme dans les années 1930, son dégoût pour ce phénomène. Rappelons également que ceux qui pouvaient incarner une pensée « raciste » (au sens où le définit Lévi-Strauss) le payent chèrement. Que l’on se souvienne du destin de Boromir pour s’en convaincre. Et rappelons le parcours de la Communauté de l’Anneau, qui rassemble des êtres très dissemblables, et qui au final poseront un regard rassembleur sur les autres (à cet égard, la relation entre Legolas et Gimli est exemplaire). En outre, l’imagerie peu subtile adoptée par Peter Jackson dans son adaptation contribue à brouiller ce message.

 

Curieusement un article concernant la figure du héros a été intercalé juste avant ce papier sur le racisme. Il relève la parenté d’Aragorn avec Beowulf, mais aussi d’autres figures classiques et/ou mythologiques. Frodo, à sa manière, participe aussi de cette tradition, dans la mesure où il est un personnage de petite taille, presque un enfant (y compris dans son aspect naïf), mais aussi un citoyen ordinaire, qui se retrouve propulsé dans une aventure trop grande pour lui. En cela il s’oppose à Aragorn, personnage épique par excellence, qui était resté caché pour apparaître ensuite en pleine lumière et accomplir son destin, que l’on croit glorieux. Or la fin de ces deux personnages est loin d’être classique, ni même heureuse, en ce qui concerne Frodo. C’est à la lecture de ce type de réécriture des mythes que l’on peut dire, sans exagérer, que Tolkien a non seulement réactualisé nombre de figures classiques, mais les a également refondées.

La quatrième partie propose une lecture des relations entre Tolkien et les arts. Dans une œuvre à portée épique comme Le Seigneur des Anneaux, il est intéressant de noter la place des couleurs. Ainsi dans le roman le gris et toutes ses nuances tiennent-ils une place prépondérante. Le texte suivant se propose de faire une analyse des deux films de Peter Jackson. Oui, j’ai bien écrit « deux », car à l’époque de rédaction des différentes contributions, seuls deux des trois films étaient sortis. C’est là que réside, à mon goût, la grosse faiblesse de ce recueil : à trop vouloir coller aux « trente ans », les chercheurs se sont privés de la possibilité de juger, analyser et comparer les trois films réalisés par le Néo-Zélandais en short. Comment, en effet, être satisfait face à ces analyses incomplètes ? Cependant la critique (si tant est qu’on puisse la qualifier ainsi) est assez bienveillante, dégageant des axes de réflexion par rapport au rôle tenu par Jackson.

Pour conclure ce recueil de très bonne facture, on trouve un entretien avec John Howe, l’un des deux (avec Alan Lee) meilleurs illustrateurs de l’univers tolkienien, et qui a contribué étroitement aux effets visuels (créatures, décors) de la trilogie sur grand écran. Une introduction très intéressante sur la manière dont il conçoit l’illustration, presque instinctive chez lui. Pour finir, Anne Besson, Maître de conférence dans l’Université d’Artois, propose une première approche sur la façon dont l’œuvre de Tolkien a influencé les cycles de fantasy contemporains, approche dont la conclusion est qu’aucun n’a vraiment su, pour l’heure, se délivrer de son modèle, et qu’en plus celui-ci a fourni les bases pour de nombreux jeux, une influence dont on reparlera.

 

Au final, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil concernant l’un de mes auteurs préférés. Au-delà du simple hommage, il contient énormément d’informations permettant de lire entre les lignes, de dégager des influences, mais aussi les origines de nombreux éléments littéraires, et montre de façon très informée que l’auteur a posé les bases d’un genre littéraire entier – la fantasy-, et ce pour très longtemps probablement. C’est aussi un ouvrage qui se veut globalement de vulgarisation, accessible à tout un chacun un tant soit peu intéressé par l’œuvre de Tolkien et par le processus de création littéraire, même si certains essais sont plus difficiles d'accès que d'autres.

Tolkien, trente ans après (1973-2003) – Sous la direction de Vincent Ferré ; Christian Bourgois Editeur, 2004

 

Spooky

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Publié le par Ansible
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Le Procès de la sorcière (Le Chant de l’Oiseau de nuit tome 1) – Robert Mc Cammon.

Bragelonne, 2008.

 

Il est étonnant de voir comment des auteurs qui se sont fait un nom dans le domaine de la terreur, du fantastique ou de la SF sont capables d’investir un autre genre et d’y connaître la même réussite. Je pense à des auteurs comme Serge Brussolo, Jean-Pierre Andrevon ou Michel Jeury, pour ne citer que des Français. Nous allons étudier le cas de Robert Mc Cammon, journaliste et auteur américain qui s’est fait connaître dans le domaine de la terreur. Ces romans Scorpion ou le Mystère du Lac restent pour moi des souvenirs de lecture assez prenantes, dans lesquelles l’irrationnel était fortement promu par une écriture nerveuse et inventive. Mc Cammon a pris sa retraite d’écrivain dans les années 1990 (à à peine 40 ans), mais est revenu sur sa décision en lançant la publication du Chant de l’Oiseau de nuit, dont le premier tome, Le procès de la sorcière, sort aujourd’hui en France.

Les premières pages révèlent un style intact, et même meilleur que ce qu’il faisait précédemment, au service d’un polar médiéval de haute tenue.

 

Les citoyens de Fount Royal, petit village de Caroline, croient leur ville maudite par une sorcière. Comment expliquer autrement les incendies spontanés, les récoltes gâtées et les meurtres épouvantables ? Persuadés que la trop belle Rachel Howarth, la veuve du pasteur récemment décédé, est responsable de ces maux, ils la jettent en prison en attendant son procès et son exécution. Le juge itinérant Isaac Woodward vient bâcler l’enquête et présider un procès écrit d’avance, avec l’aide de son astucieux clerc Matthew, qui, en dépit de tout, croit à l’innocence de Rachel. Et ce qu’il va découvrir va en effet bouleverser ses croyances et sa vision du monde… Parviendra-t-il à sauver une innocente ? Ou va-t-il au contraire tomber dans le piège d’une femme aux charmes trompeurs et diaboliques ?

 

J’ai très vite été pris dans l’histoire. Pas forcément du fait de son sujet – que l’on nous présente comme se situant entre le Nom de la Rose et Sleepy Hollow-, mais plutôt par les éléments d’écriture que l’auteur y insère. En effet il prend le parti de bien nous présenter ses personnages, en particulier Woodward et Matthew, en leur installant qui un passé formidablement décrit, qui une zone d’ombre concernant son passé. Le tandem traditionnel des polars est ainsi réinventé, avec des postures narratives bien différentes. Ces deux personnages sont d’ailleurs les seuls, dans ce premier volet, à être ceux dans les pensées desquels le lecteur s’immisce. Là encore, cela donne deux points de vue parfois bien différents sur un même évènement, ce qui lui confère une importance accrue.

 

Le roman se situe en 1699, dans le sud de l’Amérique naissante, à une époque où la chasse aux sorcières battait son plein. Arkham, 18 exécutions, Salem, 25 exécutions. Qu’en sera-t-il à Fount Royal ? Fount Royal, où les preuves contre Rachel Howarth s’accumulent. Plusieurs habitants l’ont vue s’adonner à des pratiques contre nature avec le diable en personne. On a trouvé des poupées apparemment sacrificielles dans sa maison. Pourtant la plupart des témoignages semblent contenir une faille, une incohérence qui n’apparaît pas à première vue. Pendant ce temps, Fount Royal se vide lentement de sa population, Fount Royal se meurt. La disparition de la sorcière pourra-t-elle inverser la tendance ? Nombreux sont ceux qui souhaitent voir aboutir très rapidement le procès. Mais une affliction fiévreuse du magistrat et l’incarcération temporaire de son clerc retardent l’échéance, un répit que tous deux mettent à profit pour tenter d’élargir leurs investigations.

 

Le roman constitue la première partie d’une somme plus importante, puisque le tome 2 est prévu pour septembre (déjà !), et que l’auteur vient d’achever le tome 3. Le héros de cette somme est clairement Matthew Corbett le clerc. Intelligent, mais pas trop dans le sens où il est un peu téméraire, plutôt ouvert, c’est un personnage intéressant. Le roman est très prenant, car il nous plonge, comme je l’ai dit, non seulement dans les pensées des deux personnages principaux, mais nous permet également de suivre une enquête judiciaire telle qu’elle devait de passer à la fin du 17ème siècle. Comportant des éléments de modernité, c’est une époque encore engoncée dans une pensée obscurantiste, comme en témoigne la récente affaire de Salem. Mc Cammon n’appuie pas sur le registre fantastique, essayant de réaliser une étude sociologique plutôt fine d’une ville-utopie de cette époque, avec l’environnement correspondant. Il y a finalement assez peu d’action dans ce premier tome, puisque Mc Cammon pose les bases de son univers, très réaliste. Un classique, sous réserve de lecture de la suite.


A voir sur le site officiel du roman (http://www.leprocesdelasorciere.com/), une bande-annonce.


Spooky.

 

Retrouvez cette critique sur Babelio.

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Publié le par Ansible
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On considère souvent le roman principal de John Ronald Reuel Tolkien comme une oeuvre simpliste, destinée aux adolescents, prônant la violence. On en a fait aussi une allégorie de la Seconde guerre mondiale. Pourtant, quasiment depuis sa parution en 1954-55, nombre de chercheurs se sont penchés sur l'intertexte, sur ce qui se cachait derrière cette épopée se déroulant dans une contrée imaginaire, cette oeuvre qu'on a dit fondatrice de la fantasy.
Isabelle Smadja, docteur en esthétique et agrégée de philosophie, également auteure d'un très remarqué Harry Potter, les raisons d'un succès (PUF, 2001), s'est penchée sur le phénomène, dans la foulée du regain d'intérêt dont bénéficie Le Seigneur des Anneaux depuis 2001. Et nous permet d'entrevoir de nouvelles facettes de cette oeuvre qui a été désignée comme roman du XXème siècle par les universitaires anglais. Pour Isabelle Smadja, cet ouvrage tient plus du mythe que du conte de fées, en ce sens qu'il utilise de nombreuses figures métaphoriques, plus que la plupart des contes.

Pourquoi parler de tentation du Mal ? Parce que dans le roman le Mal est au coeur de l'intrigue. Cet anneau dont Frodon se trouve porteur cristallise de nombreuses figures classiques du Mal. C'est un énorme fardeau, mais son pouvoir absolu fascine, autant qu'il ronge l'âme. Cette dimension est rendue avec une incroyable clarté dans les épisodes introspectifs où Frodon enfile l'Anneau. Mais un anneau, c'est aussi une représentation d'un monde clos, un monde où la folie peut surgir à tout moment, provoquée par une exposition trop prolongée au Mal. L'anneau porte en lui d'autres significations : c'est également une alliance, et Gandalf parle souvent de l'Anneau comme d'une femme coquette et capricieuse, illustrant en cela un glissement de sens assez fin. Un anneau c'est aussi un objet qui nous enchaîne, dans un cachot humide, à un mur aveugle, nous empêchant par là même de nous échapper. L'Anneau Unique est tout cela, un objet précieux (comme le dit Gollum), le véhicule et la personnification d'une union, et bien sûr une prison, en même temps qu'un monde clos. Isabelle Smadja continue ensuite son exposé sur le mode de la séduction, une séduction, qu'elle soit bienveillante ou malveillante, qui court sur tout le roman, par petites touches qui passent inaperçues.

La seconde partie de l'essai s'attache à analyser les racines du Mal, un Mal personnifié, je l'ai dit, par l'Anneau Unique que Frodon et ses compagnons doivent convoyer jusqu'à la Montagne du destin pour le détruire, mais aussi dans Sauron, celui qui l'a créé, celui qui en est le propriétaire légitime, quelque part, celui auquel l'Anneau est intimement lié. Il y a des choses très noires dans Le Seigneur des Anneaux. J’ai déjà parlé du pouvoir de l’Anneau, qui corrompt irrémédiablement l’âme de celui qui le porte. Mais une partie du roman est constituée par la description de combats, qu’il s’agisse de simples embuscades entre quelques aventuriers et des créatures maléfiques, mais aussi et surtout une gigantesque bataille près du Gouffre de Helm. C’est l’un des morceaux de bravoure de l’histoire, car la violence est très graphique, et de nombreux personnages y prennent part. On a longtemps reproché à Tolkien de faire l’apologie de la guerre, et de vouloir, au fil de son roman, réécrire le second conflit mondial. C’est mal connaître l’auteur, ancien combattant pendant la première guerre mondiale, qui a imaginé la Terre du Milieu au milieu des tranchées en France. Cela donna The Hobbit (Bilbo le Hobbit en VF). Cependant on remarquera l’ambivalence des sentiments de Tolkien au travers des paroles de Pippin, qui souhaite vivement que les combats prennent fin, mais qui en même temps admire la prestance guerrière d’un allié qu’il vient de croiser. Plus étonnant encore, l’espèce de jeu guerrier auquel se livrent Gimli et Legolas, à la fois amis et concurrents, au-delà de l’inimitié ancestrale de leurs peuples respectifs, les Nains et les Elfes. Tolkien pousse l’ambigüité jusqu’à placer la mort de Saroumane juste après une tirade contre la violence et la peine de mort.

 

 

Isabelle Smadja revient plus précisément sur la portée symbolique de l’Anneau, en analysant brièvement les interprétations philosophique, métaphysique, historique, politique, économique et technique de ce petit objet. Je ne vous ferai pas subir de nouvelles tirades sur ces analyses, mais sachez que j’ai trouvé ça assez complet comme diversité d’analyse, bien qu’un peu léger, superficiel par moment. L’occasion est bonne, toutefois, pour évoquer tout aussi brièvement l’un des thèmes récurrents de l’œuvre tolkienienne, à savoir les méfaits de la technologie face à la nature. L’Anneau est le fruit d’une technologie (la magie noire aussi bien que l’art de la forge ont présidé à sa fabrication), et se trouve être le Mal personnifié, à la fois séduisant (comme peut l’être le diable) et pervers. C’est là le cœur de l’essai, et peut-être en effet l’essence même de l’œuvre maîtresse de JRR Tolkien.

 

 

L’essayiste s’attaque ensuite à l’un des personnages les plus singuliers de l’univers du Seigneur des Anneaux : Gollum. Lui qui fut autrefois un Hobbit, fut gagné par la folie le jour où son cousin trouva par hasard l’Anneau au fond d’une rivière. Après avoir tué ledit cousin, il partit en exil, son esprit devenant irrémédiablement dément, et se réfugia au fond de la terre, là où on ne pourrait le voir. Finalement son corps subit lui aussi la dégénerescence qui s’était emparée de son âme. Tolkien insiste bien sur le côté vil, veule, et finalement « bas », de ce personnage hors du commun. Pour Isabelle Smadja, il personnifie l’homme d’en bas, tel que le définit Pierre Macherey. Ce philosophe a remarqué, dans un grand nombre d’œuvres des XIXème et XXème siècle, des concordances au niveau de cette figure, de ce type de personnage. Souvent souffrance physique, misère (au sens économique du terme) et gouffre obscur. Gollum est également à rapprocher de Caliban, un être difforme et à moitié humain, dans La tempête, de Shakespeare. Le destin de Gollum est de portée biblique ; son histoire commence par un drame, il est chassé par les siens, et il meurt de façon tragique, au sens shakespearien du terme. Gollum est une sorte de transposition du Caïn de la Bible.

 

La troisième partie aborde frontalement l’un des reproches faits à Tolkien : le racisme latent dans ses pages. En effet le peuple orque est décrit comme une race aux noirs desseins, au langage désagréable et à la peau noire. C’est comme si on définissait une race, entièrement malveillante. Un reproche que certains ont pu faire en leur temps, aux Juifs, par exemple. Mais au-delà de ces préoccupations vraiment inutiles à mon avis (à la lecture du Seigneur des Anneaux, je n’ai jamais ressenti de dégoût lorsqu’un orque apparaissait), ce qui compte réellement est le background de ce peuple, comme de tous les autres peuplant la Terre du Milieu. En effet Tolkien s’est attaché à développer une langue, une mythologie, une histoire, une géographie plus ou moins précises pour chacun d’entre eux. Afin de les faire exister, en quelque sorte, dans un cadre beaucoup plus grand que le roman où on nous en parle. Comme si on était dans un monde bien réel, avec ses lois, ses personnes, son histoire… C’est en cela, je pense, que l’on peut vraiment parler d’"univers" concernant l’œuvre de Tolkien. Enfin, l’essayiste relève les passages où notre auteur met le lecteur, par l’intermédiaire de ses personnages, en garde contre les dangers de la réflexion, préférant les impressions suggérées par l’intuition.

 

Le dernier chapitre parle de l’omniprésence masculine dans Le Seigneur des Anneaux. Pas une seule femme parmi les 9 qui composent la Compagnie qui part aider Frodon dans sa quête. Très peu de personnages féminins, au final, dans le roman. On peut citer Arwen, Eowyn, Galadriel et Baie-d’Or, mais toutes n’ont chacune, pour faire un parallèle avec le cinéma, qu’une scène à jouer. Un grand nombre d’éléments dans le récit montrent que l’on est dans une histoire de mâles, comme le tabac (auquel l’auteur, de façon un peu désarmante, consacre un chapitre entier au début de son roman ; si un jour vous tentez de lire Le Seigneur des Anneaux, passez outre ce passage, il ne sert vraiment à rien), ou l’omniprésence des combats. Il y a tellement peu de femmes que les mâles finissent par se frotter entre eux. L’homosexualité latente entre Frodon et Sam est montrée presque explicitement à plusieurs reprises. Le dévouement du jeune fermier pour son maître s’exprime dans des élans presque sexuels. Pourtant Tolkien n’est pas misogyne : il aimait infiniment son épouse, et met dans la voix d’Eowyn un discours bouleversant sur la libération des femmes (oui, bon, c’est la seconde scène d’Eowyn, ça). Mais là encore, le discours de l’auteur est ambigu, puisque la jeune femme devient, après avoir livré bataille au côté de ses amis, une femme soumise et dévouée, presque effacée.

 

En conclusion ? Le Seigneur des Anneaux est un roman fascinant, dont il est difficile d’analyser tout l’intertexte, mais qui permet de cristalliser un certain nombre de figures rhétoriques. Il donne à ses lecteurs leur content de scènes violentes, de combats, tout en développant une psychologie assez habile sur l’attirance du pouvoir et la séduction du Mal. Isabelle Smadja nous propose également des analyses sur certains personnages, mais je trouve ces analyses assez fragmentaires, incomplètes. La figure de Gandalf, qui domine tout de même tout le roman, n’est qu’effleurée. De même, et malgré la brillance de certains passages notamment concernant l’Anneau, je trouve qu’elle n’approfondit pas assez son propos, restant souvent dans le hors texte, prenant en exemple des écrits de Foucault, de Lévi-Strauss ou Paul Ricoeur, des penseurs certes très forts, mais dont l’association avec Tolkien me semble parfois incongrue. Ceci étant dit, c’est un essai qui est très bien écrit, et une bonne approche de l’œuvre de Tolkien.



                                                                                             Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres

Chacun sait l’affection toute particulière que je porte au Seigneur des Anneaux, œuvre majeure de l’heroic fantasy. Son auteur, J. R. R. Tolkien, est surtout connu pour cet univers (prolongé et développé dans d’autres récits). Mais il fut aussi un enseignant mérite à Oxford, et une référence dans son domaine, la philologie. Cet ouvrage, paru en France en 2006, regroupe quelques-unes de ses conférences, et permet de comprendre quel fut l’impact de son travail dans ce domaine.

 

Collectés, présentés et édités par son fils Christopher, ces textes, rédigés entre 1931 et 1959, nous mènent au cœur de la philologie, l’étude des langues et donc de leur littérature. Car ces deux notions ne peuvent exister l’une sans l’autre. Bien sûr, il ne peut y avoir de littérature sans langue, car comment une création littéraire pourrait-elle s’exprimer sans support linguistique ? De même une langue n’est vivante qu’au travers de la littérature. C’est pourquoi Tolkien fustige, lors de son discours d’adieu à Oxford, la rivalité, voire l’antipathie, absurde entre les étudiants en langue anglaise et les étudiants en littérature anglaise médiévale, par exemple.

 

Une époque, le Moyen-Âge, où l’auteur du Silmarillion a connu ses plus grandes joies de lecteuret de chercheur. En témoignent ses conférences magistrales sur Beowulf, une épopée nordique qui lui a largement inspiré son Seigneur des Anneaux, mais aussi sur Sire Gauvain et le Chevalier vert, un des récits majeurs de la légende arthurienne, popularisée par Chrétien de Troyes. Deux œuvres médiévales essentielles, qu’il connaît sur le bout des doigts.

 Voici d'ailleurs un extrait de sa conférence sur Beowulf :

En 1864, le révérend Oswald Cockayne écrivait au sujet du révérend Joseph Bosworth, professeur Rawlinson d'anglo-saxon : «J'ai essayé de prêter à d'autres la conviction que j'entretiens depuis longtemps, à savoir que dans sa spécialité, le révérend Bosworth n'est guère zélé au point de lire, comme il se devrait, les ouvrages... qui ont été imprimés dans notre vieil anglais ou prétendue langue anglo-saxonne. Pour un professeur, il peut très bien faire.» Ces propos d'un homme que le dictionnaire de Bosworth laissait insatisfait étaient sans aucun doute injustes. Si Bosworth était encore en vie, un Cockayne moderne l'accuserait probablement de ne pas lire la «littérature» relative à sa spécialité : les livres portant sur les livres écrits en prétendue langue anglo-saxonne. Les originaux, eux, sont pratiquement tombés dans l'oubli.

Rien de ceci n'est aussi vrai que dans le cas du Beowulf, ainsi qu'on l'appelait autrefois. J'ai, bien entendu, lu Le Beowulf comme la plupart de ceux qui en ont fait la critique (mais pas tous), et cependant, dans ma spécialité, indigne successeur et héritier de la chaire de Joseph Bosworth, je crains de ne guère avoir été zélé au point de lire, comme il se devrait, tout ce qui a été imprimé sur ce poème, de près ou de loin. Mais je pense en avoir suffisamment lu pour avancer l'idée que si la littérature consacrée à Beowulf est riche en bien des domaines, il en est un où elle s'avère particulièrement pauvre : celui de la critique - critique directement orientée vers la compréhension du poème en tant que poème. On a dit de Beowulf lui-même que sa faiblesse réside dans le fait de placer les détails sans importance au centre et de rejeter l'important en marge. C'est une des opinions que je souhaite considérer tout particulièrement. Je crois qu'elle est profondément erronée dans le cas de ce poème, mais d'une vérité saisissante quant à la littérature qui lui est consacrée. Beowulf a été exploité comme mine de faits réels et imaginaires de façon bien plus assidue qu'il n'a été étudié comme oeuvre d'art.

Des œuvres et une période qui l’ont amené à se pencher sur le berceau du conte de fée (oui je sais, elle était facile). Définition, origines, place des enfants en tant que public, mais aussi notions essentielles, c’est un essai –nouvellement traduit-, qui a fait date.

 

Je parlais précédemment de la passion du professeur pour les langues. Celui-ci en a appris et maîtrisé un petit paquet. En plus de l’anglais mâtiné d’Afrikaner de son enfance (Tolkien est en effet né en Afrique du Sud), il apprit le français, l’allemand, l’espagnol, le grec modernes… et ses recherches l’amenèrent à s’intéresser au grec et au latin en tant que langues anciennes, ainsi qu’à l’ancien français, aux moyen et vieil anglais, à l’ancien norrois. Dans une allocution tout à fait brillante, il effleure les relations étroites entre les langues anglaise et galloise. Dans l’exposé suivant, il dévoilera quel fut son vice secret : l’envie de créer pour lui-même une langue complète, avec ses propres règles, qui soit totalement satisfaisante à ses yeux. Mais il avouera sa frustration de ne pas y être parvenu. Etrange humilité de la part de celui qui a inventé plusieurs langues –ou du moins leurs bases lexicales et grammaticales- qui sont aujourd’hui vivantes dans la littérature, le cinéma et les jeux.

 

Au final, j’ai bien aimé ce recueil. Il m’a permis d’en découvrir un peu plus sur un auteur que j’apprécie particulièrement, certains aspects humanistes, mais aussi d’en savoir plus sur ses sources d’inspiration. Attention, certains passages de ce recueil sont d’une assimilation difficile. Je pense par exemple aux digressions sur la métrique poétique de Beowulf, ou sur certaines considérations linguistiques (au sens technique du terme) à propos du gallois. Enfin, et c’est un « tic » de chercheur relevé avec humour par Christopher Tolkien dans son avant-propos, il est à noter que ce cher John était incapable d’écrire un texte sans y adjoindre des notes de bas de page ou de fin d’article, voire des appendices copieux en fin d’ouvrage, comme dans Le Silmarillion. Un texte de Tolkien, qu’il soit empreint de fiction, que ce soit une lettre au Père Noël ou une explication de texte n’est jamais définitif ou entier, il est constamment biffé, annoté, corrigé. Et il faut croire que c’est contagieux, puisque la présente note a subi plusieurs modifications avant que vous puissiez la lire sur votre écran.

 

Pour conclure, je ne puis que vous renvoyer vers l’excellent site de Vincent Ferré, l’un des spécialistes français de Tolkien, lui-même enseignant en littérature médiévale (et moderne, puisqu’il s’occupe de la première moitié du XXème siècle), et qui dirige toutes les traductions et éditions concernant Tolkien chez Christian Bourgois depuis plusieurs années.

 

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres



Blaze, c’est le surnom/diminutif de Clayton Blaisdell Jr, un géant de deux mètres avec une intelligence très limitée. La faute à son père, qui à l’âge de sept ou huit ans le balança plusieurs fois dans les escaliers. Après une vie en foyer, puis en famille d’accueil où on le traite comme un garçon de ferme, il bascule dans la petite délinquance : escroquerie, vol caractérisé. Mais jamais seul, puisque Blaze a déjà du mal à s’occuper de lui-même. Puis un jour, avec son ami George, ils décident de faire un grand coup avant de se retirer : enlever un bébé, héritier d’une riche famille. Seulement voilà, George est abattu au cours dune rixe qui oppose des partenaires de poker. Blaze, quelques semaines plus tard, décide tout de même d’appliquer le plan prévu, avec l’appui du fantôme de George…

 

Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas eu de nouveau roman de Richard Bachman… Plus de frissons depuis 8 ou 10 ans, depuis Les Régulateurs. Stephen King –dont c’est l’un des pseudonymes- l’affirme dans la préface : Blaze est un fond de tiroir. Ecrite en 1973, à la même époque que ses premiers succès, il s’agit de l’un de ses romans non-fantastiques. Il nous conte l’ultime « coup » d’un marginal un peu lent. Bénéficiant de la nervosité d’écriture des jeunes années de son auteur, elle n’a toutefois pas les qualités d’histoire que King acquerra plus tard. En effet on ne s’attache pas à Blaze, il reste –lui qui est quasiment le seul personnage du roman- assez superficiel.

Après la déception de la plupart de ses derniers romans (à l’exception de Cellulaire), King n’arrive plus, même avec des œuvres de jeunesse éditées sans attention particulière, à trouver grâce aux yeux de son public.

 

Spooky.

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