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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

fictions

Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Une fleur d'oranger s'ouvrit sur le monde ;

Laissant sa vie de bourgeon aux strates du passé.

Le vent emporta sa fine poussière féconde

Se mêlant à l'éther immobile et illuminé.

L'homme s'avança hors de l'ombre de sa tanière

Après avoir mué pendant le rude hiver boréal

Sa peau fripée dépérissant doucement derrière

Le monde allait devenir son vassal.

Déployant ses ailes de soie, il se dirigea

Vers l'abomination aux crochets chitineux

Toutes griffes dehors, il engagea le combat

Avec l'obscur démon aux traits haineux.

 

circa 1993.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Je m'ennuie.

Le monde est en ébullition,

Et je m'ennuie.

Le danger rôde autour des nations,

Et je m'ennuie.

Je suis à un tournant de mon existence,

Et je m'ennuie.

Sera-ce un cul de sac ou une voie royale ?

L'un et l'autre m'ennuient.

Je n'aspire qu'à la sérénité morale ;

Ne pas l'avoir m'ennuie.

Je ne veux m'attacher à personne,

Donc je m'ennuie.

Peu de gens s'intéressent à moi :

Ils m'ennuient.

 

circa 1993.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Elle a une robe

Aussi douce que l'hermine.

Lorsque se lève l'aube,

Qu'il est doux de l'appeler Mimine.

Lorsque je rentre le soir

Elle arrive en miaulant,

Elle est contente de me voir

Car, sous ses airs pressants,

Elle sait que mon arrivée

Signifie pour elle

Que la soupe sera bientôt donnée

Au fond de son écuelle.

 

2 décembre 1990.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Début d'une nouvelle série, des poèmes écrits il y a bien longtemps... Merci pour votre indulgence envers ma piètre métrique et mes rimes pauvres...

 

Dans la nuit zébrée d'éclairs,

J'ai vu vieillir l'autoroute.

Sur un vaisseau fendant les airs,

Des oiseaux peuplaient la route.

Sortant du grand bêton runique

Un Leviathan me fit un sourire

Puis, vibrant de son oeil unique

Fit le bruit d'un corps qu'on déchire.

Dans le lumière de l'Etoile du Matin,

Je vis un homme accomplir au-dessus des eaux

Des miracles qui ne sont pas siens

Pour ensuite disparaître sans un mot.

 

Circa 1993.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Pour rendre un petit hommage à une personne que lui et moi aimons bien, l'ami pierig avait depuis quelques temps réalisé un chouette dessin le représentant en plantigrade. M'ayant demandé de rédiger un texte pour l'accompagner, je mis du temps à l'écrire, la récente crise d'inspiration ne m'ayant pas aidé. Puis un jour c'est sorti, et plutôt que de rédiger une sorte de note zoologique hasardeuse, et comme je ne suis pas sûr de mon humour, mon récit a très vite dévié vers le suspense, voire l'horreur, même si le récit se termine e façon opportune. Comme une nouvelle fois nous avons collaboré, c'est donc le texte, dont je suis moyennement satisfait au final, ainsi que l'illustration que je vous livre. Vous trouverez la même chose sur le blog de pierig. Une fois de plus, bonne lecture.

 

Spooky.

 

http://i30.photobucket.com/albums/c302/pierig/MacArthurOurscoulblog.jpg Observons le Didier dans son habitat naturel…

 

Pour ce faire, rendons-nous dans les hautes Fagnes, cette région sauvage où peu de personnes saines d’esprit osent s’aventurer…

 

Après la Baraque à Michel, une auberge fagnarde qui marque la limite de la civilisation, enfonçons-nous dans les bois touffus. Attention où vous mettez les pieds, des bornes-frontières et des tourbières sont encore des pièges pour les promeneurs inattentifs. Bientôt vous entendez un chuintement ténu, qui bientôt se transforme en murmure persistant. C’est le Baheyon, une rivière à l’aspect tranquille mais qui abrite des habitants redoutables. Encore une petite heure de marche, et votre pas se fait plus furtif, car vous approchez du territoire de chasse d’une créature unique.

 

Vous vous arrêtez, car vous avez entendu des bruits étranges. Vous tendez l’oreille. Oui, c’est bien un mélange de murmures étouffés, de bruits de mastication et d’éructations ursines. Pas de doute, un spécimen du Didius mac arthurus, surnommé Didier, est proche. Doucement vous vous approchez au sein des fougères qui bouchent la vue, en prenant garde à ne pas briser de brindille sous vos pas. Bientôt une clairière s’ouvre à vous, et il vous faut un examen approfondi de l’endroit pour repérer l’animal sauvage, tant son pelage se fond avec le décor. Mais il est bien là, vous l’avez trouvé.

 

D’une taille comparable à celle d’un grand homme, c'est-à-dire haut de six bons pieds, le plantigrade, qui vous tourne le dos, porte une abondante fourrure brune, parsemée de taches plus sombres, l’ensemble pouvant rappeler vaguement une chemise à carreaux de trappeur du Grand Nord. Les traces de différents combats ou repas subsistent encore ça et là sur la robe massive. Le Didier ne se lave pas souvent. Les éructations, les mouvements irréguliers de la tête ainsi que la position des pattes puissantes de l’individu suggèrent que l’animal est en train, justement, de déguster son dernier repas. L’instant est rare, vous ne souhaitez pas le gâcher.

 

Soudain la créature semble marquer une pause dans son festin. Elle se tourne légèrement pour humer l’air. Vous apercevez son groin difforme et l’un de ses petits yeux malins. Son appendice nasal se retrousse à plusieurs reprises. Vous vous rendez soudain compte que le vent, très léger, souffle dans votre dos. Erreur monumentale de la part d’un chasseur ou d’un scientifique…

 

Le Didier, visiblement un mâle en pleine possession de ses moyens, se tourna alors vers vous. Ses babine se retroussèrent hideusement pour découvrir des crocs d’une quinzaine de centimètres de long. Une langue sombre vint marquer l’intérêt du prédateur pour votre personne. Depuis plusieurs minutes, votre raison vous hurle de fuir à toutes jambes. Mais vous ne pouvez pas. Ce moment est tout simplement le sommet de votre carrière. Votre rencontre avec une créature légendaire… Qui va probablement faire de vous son dessert, puisqu’elle se met à quatre pattes, puis galope dans votre direction.

 

Vous n’avez aucune chance.

 

Vous êtes mort.

 

Mais heureux.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Comme tous les trimestres, la communauté Autres-Mondes d'over-blog organise un concours de nouvelles. Cette fois-ci le thème retenu était "royaume en ruine", parmi une dizaine d'autres. Finalement je me suis permis un texte à contrainte assez original, qui traiterait de ce thème, mais aussi des autres qui avaient été proposés mais non retenu (une dizaine au total). Et comme j'étais en forme, j'ai aussi pris le thème du trimestre précédent, à savoir "terre des dragons". Et pour que ce soit bien visible, parce que je ne suis pas un garçon compliqué, j'en ai fait le titre de ce texte court.

 

Bonne lecture.

 

Spooky.

 

 

Il s’envola. De là-haut, il pouvait contempler le chaos, le royaume jadis orgueilleux qui l’avait défié, et qui n’était que désolation. Aussi loin que portait son regard froid, il ne voyait que ruines, cadavres, fumée et puanteur. Pourtant la cité avait été construite dans un recoin isolé de la montagne, afin qu’il ne la retrouve pas lorsqu’il se réveillerait. Mais c’était sans compter sans la malédiction séculaire qui pesait sur les Sans-Cœur, et selon laquelle un dieu de cuivre et d’airain descendrait du ciel en chute libre pour les anéantir.

 

Ils voulaient à tout prix préserver leur trésor, des champignons miraculeux qui lui revenaient de droit. Son souffle de feu avait permis de les mettre à jour, enfouis dans une cave sous la plus grande de leurs constructions éphémères. C’est là que se trouvaient les rejetons des hommes-champignons, les derniers de leur espèce. Ah, qu’ils avaient été ridicules lorsqu’ils l’avaient aperçu dans le ciel, comme leur panique avait été réconfortante, comme leurs cris avait été source de jouissance lorsqu’il avait réduit en cendres leurs piètres défenses, qu’il avait, juste pour le plaisir, attrapé quelques-uns d’entre eux entre ses crocs d’airain pour en faire des miettes. Il ne les avait pas mangés, oh non, la bile qui leur servait de fluide vital aurait gâté ses neuf estomacs ; non, c’est le plaisir pur qui avait guidé ses actes, leur fin brutale avait été un plaisir infini. Dans sa moisson virtuelle de vies inutiles, il n’avait pas oublié son plaisir ultime : laisser en vie le monarque fantoche de cette cité grotesque, celui-là même dont les ancêtres avaient jadis violé son sanctuaire, détruisant irrémédiablement sa propre couvée sans défense, attirant sur eux l’anathème qui se vérifiait aujourd’hui. Ainsi il pourrait contempler les conséquences que l’acte irréfléchi de ses aïeuls avait provoquées.

 

Ah, que cette journée était belle, que la vue était belle de là-haut… d’un coup d’ailes membraneuses, le dragon repartit dans un rire de soufre.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions
Avertissement de l’éditeur :


Cette œuvre est une histoire abracadabrante qui n’intéressera personne hormis les individus concernés par des faits malheureusement réels, romancés, maquillés et édulcorés par l’un des protagonistes.

Nous ne garantissons donc pas son authenticité intégrale, sa transparence ni même sa moralité.




Il était une fois l’histoire d’une rue résidentielle, la rue des poteaux située à la limite d’une petite ville appelée Vieux-Sac.

Depuis quelques temps y régnait un climat délétère confinant à une guerre larvée, le conflit opposait une seule famille, les Labarbe, à une bonne moitié de ses voisins de trottoir.
Le point de départ de la discorde avait été l’installation d’un terrain de Babel-Ball de fortune afin de distraire (et d’occuper) les jeunes pousses désœuvrées de la rue.
Comment ? Vous ne connaissez pas le Babel-Ball ? C’est pourtant un jeu très simple et ultra-populaire : une sphère en peau de mouffette (ne vous approchez pas d’une mouffette : sa flatulence naturelle vous parfumerait de telle façon que vous seriez aussi indésirable qu’un contrôle fiscal lorsque vous êtes à la tête d’un club de foot...) que deux équipes de trois joueurs se renvoient à l’intérieur d’une grande cage pyramidale en verre, chaque point étant salué par un grand éclat de lumière verte.

La première altercation avec Mme Labarbe (Jéhunpénice Danlatette étant ses prénoms) portait sur le fait que la lumière «empêche de regarder les étoiles et perturbe les hormones».
L’un des garçons, Omiel, précisant qu’il s’agissait là de leur unique moment de détente passé en commun, annonça que l’on ne jouerait plus dans la dernière part-temps de la journée et qu’ainsi elle pourrait observer à loisir la Voie Claquée, même sans lunettes de lune.
Quant à ses hormones, il lui fut répondu qu’elle était «assez vieille pour se contrôler» (et peut-être même assez vieille pour ne plus en avoir l’utilité, pensèrent certains des jeunes gens présents ).
En effet, suivant des formations différentes (Fainéantise, Escroquerie, Manipulations humano-animales...), ils ne pouvaient se retrouver que très tard dans la journée ; le Babel-Ball étant un passe-temps à la mode à l’époque, ils avaient décidé, d’un commun accord, de s’y adonner avec plaisir et sans retenue.
Quelques décades plus tard, les jeunes gens s’étant entraînés au-delà de l’heure convenue, totalement pris par le jeu, ils virent sortir de son antre (avec force cris et fracas) la douce Mme Labarbe intégralement hystérique et échevelée, aboyant à la bande qu’ils avaient «débordé les bornes de la politesse» et qu’elle n’hésiterait pas «à faire appel à la Patrouille Impériale si la violation de nos accords verbaux se prolongeait».
Totalement abasourdis, les adolescents la regardèrent débiter un flot de menaces comparable au Gulf-Stream ; il y avait là Omiel, Padpanic, le plus âgé, Ephédric le sportif, Pétomarc le crack de Babel-Ball, mais également Patine et Patrie, deux filles.

Padpanic était figé dans la position de frapper la balle avec sa palette de titane, bouche-bée face à la scène grand-guignolesque.
Omiel s’étant avancé afin de s’excuser du débordement puis lui demander de la mettre en veilleuse -avec ménagement-, elle a viré du rosé au rouge pivoine et, interpellant son tendre époux, a commencé à critiquer vertement l’éducation que leurs parents inculquaient aux jeunes gens.
Cette remarque ayant fait bondir et se diriger ceux-ci vers l’entrée de leur résidence, les Labarbe décidèrent de battre précipitamment en retraite, sous les quolibets et les noms d’oiseaux délivrés par les adolescents furieux.
Renonçant à les suivre, ils décidèrent de rentrer chez eux et de tout raconter à leurs parents éberlués. Par la suite, bien des soirées furent consacrées à commenter l’incident dans tous les sens ; on avait par exemple compris, grâce à des éclats de voix ponctués d’insultes fleuries, que c’était Madame qui portait la culotte dans le ménage Labarbe ; mais plus étonnante était la couardise démasquée du cher mari, prénommé Peurard, qui passait auparavant pour un homme éminemment sympathique, voire chaleureux.
Le plus triste dans l’affaire était que les enfants du couple terrible, Clope-Camel et Camomille, que déjà on voyait relativement peu, ne sortaient plus à découvert en vue d’un voisin, alors que les «pauvres chérubins» n’étaient pour rien dans l’affaire.

L’atmosphère passa donc en quelques décades de la quasi-amitié chaleureuse à l’indifférence haineuse teintée d’un sentiment de gâchis insurmontable. Mais le pire restait à venir...


A peine deux révolutions après ces premières escarmouches vint la fraise sur le gâteau (ou la fleur sur la tige, si vous préférez). Un jour de saison chaude, la glace et la cellulite fondaient à vue d’œil, les pins frémissaient de plaisir sous la caresse bienfaisante et lascive des rayons dorés bercés par une brise maritime hélas trop courte pour être véritablement rafraîchissante, les criquets et les starlettes chantaient à tue-tête qu’ils étaient les plus beaux, la température était élevée et faisait suer à grosses gouttes mains, aisselles et pieds (vous voyez, j’essaie d’installer l’atmosphère, tout en ménageant un suspense insoutenable).

Donc, ce jour-là, Pétomarc et Patine étaient les seuls membres de la bande à jouer dans la petite tour de verre, les autres étant partis en vacances ou ayant d’autres obligations à remplir.
Pétomarc étant allé chez lui afin d’aller chercher un outil (je l’ai écrit, c’est un terrain de fortune), il fut surpris, en revenant, de voir Peurard Labarbe courir vers la pyramide avec un marteau à air comprimé dans la main ; en effet, pour mettre le terrain hors-service, il suffirait de briser l’une des arêtes.

Patine s’étant interposée, Peurard tenta de la frapper avec le marteau. Alerté par les cris de la jeune fille, Omiel sortit de chez lui en trombe et prit l’homme à la gorge, ce qui lui fit lâcher son arme et rentrer au galop chez lui, où il se claquemura.

Mis au courant des événements, Vivier, le père de Patrie, voulut à plusieurs reprises s’expliquer «physiquement» avec l’agresseur de sa fille, mais Pétomarc réussit à l’en dissuader. De ce jour, les parents concernés se mirent à honnir la maison du coin de la rue et tout ce qui y avait trait, allant jusqu’à y envoyer des tracts émis par des sectes idéologiques illuminées.
De plus, les noms des nouvelles amitiés du couple Labarbe témoignaient du vide relationnel dans lequel ils avaient sombré : Jambon Aryen, Julot Grosnaseaux, Godefroy de Couillon de la Trouille Pissante...


Mais en tous les cas, personne ne sait comment l’histoire s’est conclue. D’aucuns prétendent que le père d’Omiel, entrepreneur impérial, aurait fait fermer le Manoir Labarbe (raison officielle : vermine grouillante...) et y aurait fait construire le plus grand complexe mondial de Babel-Ball ; on dit aussi que le père d’Ephédric, patron d’une agence de voyages, aurait fait déménager sans ménagement le ménage au Pôle Sud, où les jours et les nuits durent six mois (il faut contenter tout le monde, disait Constipus, le philosophe), et là seules les otaries jouent au ballon...


31 mai 1994



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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

L’appel fut entendu.

Dans un immense champ de blé enflammé par une lumière crépusculaire, des aiguilles de pierre frémissaient d’excitation, caressées par un tiède vent d’automne. Leurs ombres déchiquetées s’étiraient paresseusement au milieu des jeunes tiges. Seuls quelques criquets lançaient leurs frottements aigus à la rencontre des lucioles qui erraient ça et là avant de disparaître progressivement. Erigées en des temps immémoriaux et obscurs, certaines de ces pierres étaient gravées de runes arctiques et oubliées. Le soleil blafard achevait de se diluer dans la mer d’encre au loin. Le ciel, décliné du rouge flamboyant au noir glacial, semblait protester encore par une fine bande outremer et indigo qui se fondit bientôt dans l’ombre expansionniste. Les seules lumières subsistantes étaient celles de la lune et des étoiles se mirant dans l’écume furieuse et les aiguilles de pierres. Celles-ci désignaient désormais un ciel ténébreux où scintillait la Voie Lactée dans sa totalité. Soudain surgit une nouvelle lumière là où l’instant précédent sommeillait le néant. La palpitation de ses consœurs sembla s’intensifier lorsque la nouvelle venue accrut son rayonnement, qui s’accompagnait d’un frottement muet. Puis le ciel bascula vers le cadran perrin. Il y eut un grand éclair blanc, révélant le monde qui se drapait dans le voile pudique de la nuit, malgré l’absence totale de nuages. L’atmosphère diffusa une forte odeur d’ozone et de métal chaud. L’étoile se posa dans la foulée de l’éclair au centre de l’assemblée monolithique. Dans le prolongement des rayons ténus projetés par l’étoile, les menhirs semblaient se trémousser de plaisir (ou de peur ?). L’herbe brûlée dégageait une forte vapeur entre les pieds de l’intrus céleste. Un chuintement étouffé se fit entendre, s’amplifia et des arcs électriques pluricolores jaillirent de l’ouverture par laquelle filtrait une lumière aveuglante qui semblait figer l’herbe haute et la pierre dans une blancheur gelée. Emergeant comme d’un rêve de la brume parcourue de parasites multicolores qui régnaient à l’intérieur de l’engin, une créature frêle se dirigea avec maladresse vers l’ouverture, appuyant ses crochets sur la rambarde luisante plongeant vers le sol. Risquant sa tête glabre au dehors, elle tourna la tête de tous côtés. Visiblement satisfaite, elle poussa un petit râle suivi de sons gutturaux : répondant à son signal, plusieurs de ses congénères s’extirpèrent avec peine du vaisseau.

Posant des pieds mal assurés sur l’herbe grillée par les réacteurs (à présent silencieux ), ils se déployèrent tout en discourant vivement dans le champ enluneillé. Chaque créature se rapprochait d’un menhir et y appliqua ses crochets comme s’il voulait l’arracher à la pesanteur de la terre. Une mélopée gutturale et mélancolique s’échappa d’entre leurs crocs et s’éleva vers les immensités glacées. L’air semblait de plus en plus épais tandis que quelques lucioles volaient ça et là, sans but précis. Les chanteurs accentuèrent leur cantilène et soudain la scène fut éclairée plus fort qu’en pleine journée. Sans cesser de murmurer, ils se tournèrent vers le centre du cercle. Une lumière phosphorescente enflammait le vaisseau et s’élevait en une colonne tremblotante dont le faîte était invisible dans le ciel constellé, tel un totem vivant cherchant à rejoindre le dieu auquel il était dédié. Des étoiles se mirent alors à bouger et à entamer un étrange ballet. Une constellation spiralée se forma dans l’espace et grossit tout en s’approchant de la planète. La chanson s’était changée en acclamations joyeuses et triomphales, et les créatures élevaient leurs membres vers la formation céleste plus proche d’instant en instant. Soudain les runes gravées dans l’âme des pierres se mirent à scintiller et à chanter une mélodie sirupeuse s’harmonisant avec le gémissement croissant des énormes réacteurs. La scène vit son éclairage augmenter jusqu’à être comparable à celui du milieu de jour d’été : les menhirs et leurs amants trans-spaciaux n’avaient pas d’ombre. Le monde, pour un observateur placé au milieu de la scène, aurait paru figé dans une blancheur ruisselante uniforme durant quelques secondes interminables. Puis tout redevint soudain silencieux et ténébreux. De grandes portes grinçantes s’ouvrirent lourdement dans la nuit et les gueules lumineuses vomirent des hordes éructantes et impatientes sur l’herbe carbonisée. Une multitude grouillante remplissait à présent les espaces entre les vaisseaux cliquetants commençant à refroidir. La mer, dont le murmure avait été éclipsé par le débarquement céleste, rappelait à tous sa présence en redoublant de fureur contre les brisants luisants dans une indicible suite d’explosions liquides. Mais les envahisseurs n’y prêtaient pas le moindre intérêt, car la grande étendue liquide serait bientôt à leur merci, tout comme le reste de la planète.



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Un coup sourd réveilla le renard. A la fin de l’automne, il s’était lové au fond de ce terrier afin de passer l’hiver à l’abri. Ses Fonctions s’étaient ralenties dans l’exiguïté paisible et sombre pendant quelques jours. Le bruit à présent ressemblait à un cliquetis métallique ponctuant un ronronnement lugubre. La terre vibrait en écho, ce qui fit trembler le renard qui laisser échapper quelques petits gémissements terrifiés. L’étrange et inquiétante rumeur se prolongea durant plusieurs heures, écrasant tous les petits bruits du bois. Bien longtemps après que les derniers échos se furent atténués au loin, le renard se décida timidement à se diriger vers la sortie de son antre. La lumière blafarde qui pénétrait dans le tunnel humide exhalait un arôme chaud de métal, enivrant pour le petit prédateur car apparenté à celui du sang. Lorsqu’il émergea à l’air libre, la senteur se fit plus forte, obligeant le renard à rentrer précipitamment dans son trou, sous la menace d’un évanouissement dû à l’asphyxie. Il avait cependant eu le temps de jeter un bref regard circulaire sur ce qui aurait dû être un sous-bois ombragé et moussu. Ce n’était devenu qu’un champ désolé, jonché de troncs écorchés et pourris. Une étrange vapeur gris-vert survolait érotiquement le lieu.



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Pour un observateur céleste, le globe habituellement bleu et brun était en train de subir une dégénérescence irréversible. De longs sillons argentés, crus et flous, ravageaient les étendues terrestres, laissant d’immenses balafres de plus en plus rapprochées, baignant dans une glauque gangue gazeuse, substitut de l’ancienne atmosphère translucide. Sous l’effet de la chaleur extrême, les mers et océans fondirent instantanément, donnant à la planète bleue un visage peu engageant, aussi ridée, pustuleuse et crevassée que sa compagne-rejeton qui lui tourne autour depuis des temps plus anciens que la vie elle-même. Au bout d’un temps qui n’avait plus d’importance pour ce qui fut les habitants de la planète, des traits lumineux jaillirent de sa surface tel un fugace feu follet d’artifice pour rapidement s’évanouir dans les abysses sidéraux. Puis le silence redevint universel.

Peu à peu la brume verdâtre se dilua dans l’ozone, modifiant les proportions de ses différents éléments gazeux propices aux premiers frémissements. Une poussière d’étoile se désolidarisa de ses consœurs flottantes pour errer de-ci de-là à la recherche de son évolution, frissonnant au contact de l’air de plus en plus froid et humide. Les nuages se crevèrent sous l’impulsion d’éclairs orangés résultant du frottement des petites particules grouillant dans les hautes couches du ciel. Les creux assoiffés de la croûte martyre connurent à nouveau l’ivresse ascendante de contenir de l’eau, dispensatrice de beaucoup de bienfaits. La petite poussière, plaquée par les gouttes, tomba dans une nouvelle mer qui recouvrait presque toute la surface du globe. A très faible profondeur, réchauffée par la caresse lainée du soleil filtrant, la poussière grossit un peu, acquit un cerveau minuscule prolongé par les antennes cristallines lui permettant de ressentir ce qui l’entourait. Un temps plus tard, elle ressentit le besoin de se déplacer dans l’élément liquide et des petites membranes dentelées apparurent sur ses flancs, de chaque côté d’une cavité buccale lui permettant d’avaler les autres poussières en suspension, sa seule nourriture. Bientôt poussèrent des globes oculaires et lorsqu’elle émergeait sa tête difforme de l’eau, la poussière contemplait les limites solides de son domaine, parsemées de petites plantes vertes (tout comme le fond de l’eau). Un moment elle voulut en voir plus et s’approcha du rivage, aidée par le ressac. Ne pouvant se hisser sur le sable où elle se serait embourbée sans le retour régulier de l’océan, elle se mit à longer la plage sans relâche, s’appuyant sur ses faibles nageoires ; celles-ci se raffermirent bientôt et lui permirent d’évoluer sur le sol. Elle se nourrit des plantes que son olfactif appendice lui permit de sélectionner, grimpa sur celles-ci, car certaines s’élevaient vers les cieux, portant des fruits juteux et vénéneux. Du sommet de l’un des arbres, la poussière d’étoile contempla ses semblables qui avaient accompli le même chemin mais avaient bifurqué du point de vue morphologique. Certains se servaient d’outils pour fabriquer des armes, d’autres parquaient des animaux divers, d’autres encore tentaient d’établir un langage commun et cohérent afin de vénérer les dieux.

Un jour, ceux qui s’appelaient des hommes essayèrent une nouvelle arme. Elle se manifesta par un énorme champignon de poussière en même temps qu’une éblouissante lumière embrasait les cieux. Le poison se dispersa dans l’atmosphère, vouant toute vie à une mort inéluctable. Des relais sophistiqués disséminés aux points sensibles enregistrèrent l’événement et toutes ses conséquences ; ayant acquis une somme suffisante d’informations, ils envoyèrent un signal dans les solitudes éthérées, en direction d’une lointaine civilisation évoluée. La réception du signal entraîna une grande effervescence dans la cité stellaire. Un premier vaisseau de reconnaissance est envoyé vers l’origine de l’appel, en attendant l’organisation de l’expédition d’invasion, beaucoup plus massive. Les réacteurs rugirent pour arracher les superstructures métalliques au sol spongieux. Le but du voyage étant très éloigné, l’ordinateur de bord passa en pilotage automatique et l’équipage se glissa dans des alvéoles frémissantes pour un sommeil artificiel et prolongé. Dans des solitudes glacées, le vaisseau glissait silencieusement car il n’y avait aucune créatures pour l’entendre et le son ne se propage pas dans l’éther ; il se dirigeait lentement et sûrement vers la petite planète qui avait commis la faute fatale d’utiliser la faute fatale d’utiliser l’arme ultime. Par rédemption, le peuple des étoiles portait en même temps l’absolution et l’anéantissement, afin d’éliminer un éventuel futur rival dans la conquête de l’espace. Le destin arriva au-dessus de la petite planète cent révolution après l’expérience fatale, choisissant un point plongé dans l’obscurité de la nuit pour épouser sa surface, tandis que la force d’invasion arrivait à son tour.



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A présent que le moment est venu, je porte la dernière main à ce témoignage. Je m’appelle Faulkner et je suis élémentaliste, ce qui signifie que mon champ d’étude englobe les pierres, les plantes et les arbres. C’est ainsi que j’ai pu, grâce à l’avancement technologique, découvrir l’histoire de la Terre inscrite dans les gènes de la nature. La vie est ici un éternel recommencement : du néant surgit une poussière, la vie se développe lentement jusqu’à parvenir au stade humain. La bombe atomique est expérimentée, ce qui signifie pour nos envahisseurs d’outre-espace que nous devenons dangereux. Alertés par un signal déposé lors des précédentes invasions, ils organisent une expédition destructrice. Ils maintiennent ainsi leur suprématie cosmique et je tremble en me demandant si d’autres mondes subissent le même châtiment. Je sais que mon destin est de disparaître, comme toute vie à la surface de cette planète. Mon intention n’est pas de devenir immortel, mais plutôt de laisser un souvenir, un témoignage de ce qui s’est passé et se passera encore. Je confie ce message à une petite capsule qui va partir graviter autour de la terre. Peut-être pour des millénaires. Mais j’espère que celui, qui le trouvera prendra conscience de la cruauté de ce peuple dont j’ignore jusqu’au nom (si tant est qu’il se donne un nom) et mettra tout en œuvre pour enrayer la purification cosmique dont il est l’auteur. Je vais lancer la capsule d’ici quelques minutes, car je commence à voir bouger les étoiles au-dessus de ma tête. Ici camouflé sous un abri rudimentaire près d’un cromlech d’un champ du Pays de Galles, j’attends l’arrivée de la nef de reconnaissance, pour contempler ces destructeurs avant de mourir.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

C’est la nuit d’Halloween…

Je regarde par la fenêtre. Dehors, un voisin vient de jeter une bouteille vide dans une poubelle. Sans doute les agapes d’Halloween. Il y a deux heures des enfants sont venus frapper à la porte pour réclamer des bonbons. Je n’ai pas eu le cœur de refuser. Même si j’ai eu du mal à en trouver, quelques biscuits ont rejoint les monceaux de sucreries qui remplissent leurs paniers…

Moi je n’ai pas le cœur à m’amuser. Car cette nuit d’Halloween éveille en moi de sombres échos, remue de tristes souvenirs… La mélancolie me pousse à me remémorer cette triste époque.

 

 

C’était l’année de mes 17 ans. Elodie était pour moi le centre du monde, à la fois mon soleil, mon noyau, mon monde. Nous étions du même lycée, mais pas du même monde. Elle était magique, aérienne, divine, lumineuse, alors que j’étais un garçon ténébreux, timide, terre-à-terre et maladroit. Nous nous étions rencontrés au cours d’une soirée entre lycéens. Une seule chose nous lia alors : l’ennui. Je ne me souviens plus duquel a engagé la conversation sur la terrasse de l’appartement, mais je sais que s’il n’y avait pas eu un couvre-feu, cela aurait duré toute la nuit, et le jour suivant. Nous avons continué dans la rue, puis devant chez elle. Nous nous sommes revus le lendemain, et tous les jours suivants. C’est comme si nous étions deux parties d’un même ensemble, indissociable, cohérent… c’est très adolescent comme façon de voir les choses ; mais nous étions des adolescents alors. Nous nous sommes aimés, bien sûr. Cela s’est passé quelques jours plus tard, chez moi, à la faveur d’une absence de quelques jours de mes parents. Ce fut un grand moment de tendresse, de passion… de serments en promesses, nous étions bien sûr devenus inséparables, sacrifiant parfois nos amitiés et devoirs sur l’autel de l’amour fou.

 

Et puis Halloween arriva. Bien sûr, Elodie et moi avions prévu de faire une soirée avec quelques-uns de nos amis, une soirée costumée, avec de la musique, des cotillons, quelques substances illicites… Oh, trois fois rien, le genre de truc qu’on a tous essayé à l’adolescence… Elodie était déguisée en sorcière. Elle avait beau s’être maquillé avec toutes sortes de postiches, de fausses verrues, de se balader courbée sous le poids de sa bosse dans le dos, je n’arrivais pas à la trouver laide. Sous les gros yeux cernés de noir, je voyais toujours ces yeux en amande, couleur myosotis. Sous le chapeau pointu, qui avait connu bien d’autres batailles, bien d’autres chevauchées en balai, sous les cheveux filasse se trouvait toujours sa crinière sombre, aile-de-corbeau, qui vient vous caresser doucement le visage lorsqu’elle se tourne vers vous en riant de ce rire cristallin. Ce rire si pur, qu’elle déforme en halètement rauque pour singer la sorcière Plume. Une sorcière de sa création, qu’elle faisait vivre de multiples aventures charmantes (au sens premier du terme). J’étais déguisé en épouvantail. Enfin disons que j’étais habillé différemment de mon habitude. Coiffé d’une énorme citrouille trouée aux endroits stratégiques, j’étais habillé d’une vieille combinaison de mécano bleue de mon père, dans laquelle j’avais fourré de la paille en assez grosse quantité. Et un long bâton passé dans les manches me maintenait les bras constamment à l’horizontale. Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très pratique pour danser. Ou attraper un verre. Ou étreindre la fille qui vous aime.

 

Curieusement, cette particularité m’a peut-être sauvé la vie. Car mes camarades, et Elodie également, en profitaient pour boire un peu, et fumer des substances dont je ne saurais dire le nom. La soirée était bien avancée lorsque la plupart donnaient des signes d’ivresse, ou de vertiges légers. Ca rigolait pas mal dans les coins, j’imagine que ça fricotait aussi. Moi je ne pouvais pas faire grand-chose, à part rire des plaisanteries maladroites des uns, secouer la tête (pas facile, dans une citrouille) aux bêtises des autres, et ouvrir de grands yeux pour contempler celle qui occupait l’immense majorité de mes pensées. Malgré les tentations, elle s’efforçait de ne pas trop consommer, de rester auprès de moi, de discuter comme nous le faisions toujours… Depuis un petit moment, plusieurs de nos camarades s’étaient enfermés dans l’une des pièces de l’appartement. Partouze ? Strip-poker ? Discussion privée ? Tout était possible avec ceux-là, et à vrai dire, je m’en fichais, le seul intérêt que j’avais dans la vie se trouvait devant moi, me souriait, me racontait des histoires envoûtantes…

 

Soudain des cris étouffés se firent entendre. Les rires s’estompèrent, les têtes se tournèrent lentement vers la chambre où s’était enfermé le petit groupe. Une drôle de lueur, rougeâtre, filtrait de dessous la porte. Des chocs sourds commencèrent à se faire entendre, ainsi que des cris stridents. La porte commença à vibrer, puis on sentit que quelqu’un donnait des coups contre le battant. Pour l’ouvrir probablement. Nous étions tous tétanisés, un peu abrutis il est vrai par les vapeurs diverses qui s’étiolaient dans la pièce. Pour ma part, je ne pouvais pas trop bouger.

 

Soudain la porte céda, et plusieurs de nos camarades furent littéralement expulsés dans le salon. Je ne sus alors dire s’il s’agissait de garçons ou de filles, car tous donnaient l’impression d’être passés dans un four à pizza. Tous étaient atrocement brûlés, sur l’intégralité de leur corps. Mais pire que tout, ils n’étaient pas morts. Certains arrivaient encore à gémir, à supplier, à ramper même. Mais nous ne comprenions rien. Je levai la tête vers la porte entrebâillée. Elle s’était ouverte avec tant de violence qu’elle avait buté contre le mur, avant de se rabattre vers l’encadrement. Je n’avais donc qu’une vue partielle de la chambre. Mais cela suffit à me glacer d’effroi. La pièce baignait dans un halo rouge sang, tellement intense que l’on avait l’impression de voir les courants d’air. Certains de mes camarades étaient encore à l’intérieur. Dans des positions impossibles. Suspendus en l’air. Tordus. Un bras énorme, qui n’avait rien d’humain, semblait tenir l’un des cadavres comme si une gueule gigantesque s’apprêtait à l’engloutir. En même temps, un souffle rauque, fait de claquements et de halètements profonds, semblait venir de la chambre, balayant les derniers soupçons de musique, que l’on venait de couper. Mes yeux s’agrandirent d’effroi, mes poils se hérissèrent sur tout mon corps. Je n’étais visiblement pas le seul à commencer à réagir, car je commençai à entendre mes voisines hurler. Je me tournai vers Elodie, pour lui dire de sortir au plus vite de l’appartement. Mais son visage exprima soudain une terreur sans nom, muette. Même comme ça, je n’arrivais pas à la trouver laide. Mais un réflexe primal me fit retourner la tête dans la direction qu’elle désignait, vers la porte… ouverte. Qui avait laissé s’échapper une créature de cauchemar. Sa description ne pourrait que vous apporter que des tourments pour le reste de vos jours. Apparemment la créature avait entendu nos cris, et cela ne lui plut pas. Elle commença à fondre sur nous. Pris de panique, nous commençâmes à courir de tous les côtés, nous heurtant les uns les autres. La créature avalait mes camarades les uns après les autres, en une seule bouchée parfois. Son grondement rauque emplissait toute la pièce.

J’avais réussi à attraper la main d’Elodie pour l’attirer dans un recoin de la grande pièce. Mais hélas, nous n’étions pas les seuls à avoir cette idée. Un de nos camarades trébucha en passant près de nous, et s’étala de tout son long sur moi. J’essayai tant bien que mal de me retenir à une chaise, mais l’élan était trop fort, et je perdis l’équilibre, entraînant Elodie avec moi.

 

Il y eut une seconde d’éternité. Puis un choc immense, quand nous percutâmes la fenêtre qui se trouvait derrière nous. Le fracas était abominable, le grondement du démon se rajoutant aux cris et au bris de verre. Elodie et moi basculâmes dans le vide. De quel étage tombions-nous ? Dans la confusion, mon esprit refusa de délivrer cette information. Deuxième seconde d’éternité. Nos regards se croisèrent. Je ne sais pas ce qu’exprimait le mien, mais celui d’Elodie était éloquent. Elle savait qu’elle allait mourir. Que nous allions mourir ensemble. Son sourire fut la dernière chose que je vis, avant –probablement- de percuter le trottoir.

 

Ce fut le grand trou noir. Je me réveillai dans une chambre d’hôpital, quelques jours plus tard. Les gens parlaient de miraculé. Visiblement, la paille dont j’avais bourré mon costume avait amorti le choc, ce qui fait que je m’en tirai avec de multiples fractures, toutes réduites en l’espace de quelques mois. Mon visage avait subi de sérieux dommages, mais la chirurgie réparatrice avait fait de grands progrès depuis quelques années.

 

Ce qu’il s’était passé ce soir-là avait fait la une des journaux, mais les autorités avaient vite étouffé l’affaire, parlant d’une explosion de gaz. Je mis le temps, mais je finis par découvrir ce qui s’était réellement passé. Le groupe qui s’était enfermé dans la chambre avait voulu faire une invocation satanique. Probablement pour frimer auprès des filles… Autour d’une planche de oui-ja, avec des bougies, quelques signes cabalistiques et des formules proférées à plusieurs reprises, les adolescents avaient entrouvert une porte de l’Enfer. Et un démon s’y était engouffré pour dévorer quelques âmes. Le feu avait commencé à se propager dans l’appartement, parti on ne sait comment, et les pompiers avaient finalement réussi à sauver deux autres enfants du sinistre. Elodie n’était pas parmi eux.

 

C’était la nuit d’Halloween.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Fictions

Je me trouvais il y a quelques temps en vacances à l’ouest de la Bretagne (le temps a à présent perdu toute signification à mes yeux, vous comprendrez bientôt pourquoi...).
Une fin d’après-midi, je profitai de la fraîcheur relative pour sortir faire une randonnée en vélo. Je partis au hasard, prenant à chaque croisement le chemin qui me semblait le plus agréable.
Tant et si bien qu’au bout d’un certain temps je me rendis compte que je m’étais égaré, alors que le crépuscule tombait lentement, teintant çà et là le paysage de couleurs chaudes et orangées.

Au bout du chemin bosselé où je me trouvais, j’aperçus comme une trouée : peut-être une clairière ou un croisement avec une voie plus importante ? N’ayant pas d’autre perspective en vue alors que les ombres s’allongeaient, je me rendis en marchant, en poussant mon vélo du bras. Mais ce n’était pas ce à quoi je m’attendais.

Devant moi s’étalait, plane, diaphane, une étendue d’eau de taille moyenne, un étang dont les berges se noyaient dans une brume laiteuse.
Etait-ce le célèbre «Miroir aux Fées» dont parlent certaines légendes arthuriennes, l’un des fameux passages vers «l’autre monde» ?
En tout cas, aucune bulle ne venait crever la surface, aucune grenouille ne manifestait sa présence en ces lieux empreints d’une certaine majesté.
Chaque brin d’herbe, chaque racine naissant dans l’onde semblaient figés dans le temps. Je me rendis compte que le brouillard m’entourait à présent. Mon regard errant sur le pourtour de l’étang s’arrêta sur une avancée à quelques mètres sur ma gauche. Sur une petite corniche herbeuse et moussue se trouvait un être bizarre. C’était un petit humanoïde à la peau blafarde assis en tailleur, comme guettant quelque chose au fil de l’eau. Ses membres graciles, ses dents proéminentes et sa coiffure entrelaçant harmonieusement cheveux gris et feuilles élancées me mirent sur la voie de la vérité : c’était un korrigan, nain légendaire bénéfique ou maléfique.
Je voulus bouger mon pied mais sentis une certaine résistance : j’étais dans la boue. Je me dégageai avec un juron et relevai la tête en entendant à peine un plouf ! étouffé.

La petite corniche était à présent vide. La vision du korrigan est souvent fugitive. Mais un autre plouf ! discret attira mon attention vers le centre de l’étang et me fit me dissimuler.

Quelque part le brouillard sembla danser, décrivant des volutes gazeuses. Peu à peu la brume laissa deviner la forme d’une boule au bout d’un piquet ; non, c’était un crâne humain fiché en guise de figure de proue d’une barque.
Mais plus que l’aspect extérieur, par ailleurs assez repoussant, c’est le contenu de celle-ci qui attira mon regard.

L’équipage était composé d’un seul individu : une ombre noire, de grande taille, la tête encapuchonnée, qui se dirigeait à l’aide d’un long bâton blanc torsadé. Les passagers n’avaient pas fière allure : une dizaine d’êtres chétifs, au teint hâve et courbés comme s’ils portaient toute la misère du monde.

L’embarcation glissait presque sans bruit sur l’étendue de brouillard. C’était un spectacle saisissant ! A ce moment je vis que l’étrange nautonier tournait lentement sa tête dans ma direction et là, dans les sombres profondeurs abyssales de son capuchon, je vis ses yeux.

Deux yeux pastilles argentées sans la moindre expression ; un rire hystérique me parvint alors aux oreilles. Il ne pouvait sortir que de la bouche édentée d’un dément ou... d’un être totalement dénué d’humanité.


Terrifié, je lâchai mon vélo et courus me réfugier derrière un dolmen bordant le chemin accidenté que j’avais emprunté plus tôt, car la sinistre embarcation était sur le point d’accoster.

J’entendis un hennissement, comme un signe de reconnaissance. J’en frissonnais d’épouvante, ne pouvant bouger.

Peu de temps passa. De manière croissante, j’entendis des chocs sur les pierres autour de moi, le brouillard environnant dispersant le moindre son. <

Au bout d’une à deux minutes je réussis à identifier le son : les sabots d’un cheval toquant contre les pierres qui jonchaient le chemin.

La lune qui s’était levée commença à disperser le brouillard. Une nouvelle apparition de cauchemar se dessina devant moi.

Un haut chariot, tiré avec peine par un vieux cheval de somme, avançait en cahotant entre les deux fossés. A ses côtés marchait, tenant toujours sa canne pâle, le nautonier aux yeux d’argent. Dans le chariot se trouvaient les passagers de la barque noire, tous habillés de haillons, tous le regard hanté de désespoir, tous pâles et décharnés...
Une femme maigre, au visage triste, se tenait debout à l’avant de la charrette, serrant son enfant mort-né contre ses seins menus et livides. Au-dessus de l’équipage lugubre se tenait la lune, dardant ses rayons froids sur la scène. J’avais l’impression d’avoir un filtre noir et blanc devant les yeux, et le chariot avançait, sans autre bruit que ceux produits par les sabots et le bâton blanc sur les pierres du sentier.

Lorsque le convoi mortuaire passa devant le dolmen où j’étais blotti, un rayon de lune éclaira le visage du guide : c’était celui de la mort elle-même ! Des yeux enfoncés dans leurs orbites, un visage où apparaissaient ça et là quelques morceaux d’os à travers la chair putréfiée, des dents cariées, jaunes, noires, visibles éternellement dans un rictus figé... Quelques cheveux filasses de couleur grisâtre tombaient en désordre sur cette épouvantable face...

Je m’aperçus que la main qui tenait le bâton blanc comportait beaucoup moins de chair que celle qui reposait sur l’encolure du cheval.

Où que j’aille je me souviendrai toujours de cette scène abominable.

Le temps que je me remette de mes émotions, le chariot s’était enfoncé dans le chemin.

Je me mis à réfléchir. Ce visage d’où pendaient des lambeaux de chair putrescente, c’était celui de l’Ankou, un sinistre personnage qui alimentait nombre de légendes à forte coloration celtique. Cet être peu engageant était le messager de la Mort et lorsqu’il embarque ses «élus» sur sa barque, ceux-ci sont en train de quitter leur vie terrestre. Lorsqu’ils débarquent, ils sont dans «l’Autre Monde» ; mais alors que faisais-je là ? Etais-je mort ? Mais alors comment ? Et pourquoi mon vélo, que j’étais reparti chercher, se trouvait-il avec moi ? Drôle d’histoire !

Je décidai de reprendre ce chemin, n’ayant pas d’autre alternative en vue.


Au bout d’un certain temps, (qui avait probablement perdu toute signification dans cette dimension . . . ) j’entendis des voix sur ma gauche, dans la forêt. Peut-être de l’aide en puissance. Je dissimulai mon vélo dans un fourré de bruyère et m’engageai dans la sente en direction de la voix. Plus j’entendais celle-ci, moins je comprenais ce qu’elle déclamait.

Dans la nuit qui régnait à ce moment, j’aperçus une lueur orangée à mi-distance devant moi : probablement un feu de bois. Je me frayai un chemin oblique, ayant cassé des branches pour marquer mon passage, en direction de la lueur qui était la seule, la lune étant cachée par des nuages d’altitude.

Et là, devant mes yeux éberlués, un spectacle sans pareil se développait. La clairière que je parcourus du regard semblait un concentré de toute la tradition religieuse bretonne. Au centre se dressait un calvaire de cinq ou six mètres de haut, tout en granit. Des dizaines de personnages traditionnels mimaient des scènes saintes sur ses bras de pierre. A proximité se trouvait un arbre mort, totalement peint en or ; ça et là des morceaux de tissus divers étaient embrochés sur les branches, comme des offrandes de fidèles à des divinités animistes. Entre ses racines étaient fichés des dizaines de cierges blancs, mais ce n’était pas eux qui dispensaient le gros de la lumière. Un imposant bûcher crépitait devant le calvaire et produisait des ombres mouvantes du plus troublant effet sur les personnages.

Autour de cette trinité courait un anneau de menhirs, d’une circularité presque parfaite. J’étais dissimulé derrière l’un des mégalithes et contemplais l’étrange cérémonie.

Un groupe de petits lutins dansait la farandole autour du feu de joie, et certains autres jouaient une musique menue, comme chuchotée. Jouer du tambourin, de la flûte de Pan, du biniou leur procurait visiblement du plaisir et, je dois le dire, je n’étais pas loin de sortir de ma cachette pour venir danser avec eux. Mais ils n’auraient peut-être pas apprécié. Ces batifolages étaient agrémentés de libations diverses.


Je n’osais pas me montrer car leur aspect n’était pas humain. Par ailleurs très poilus, leurs crânes chauves renvoyaient les reflets du feu ; tandis que le liquide versait dans leurs gorges, je vis leurs dents déformées ; mais le pire venait de leurs membres inférieurs : c’étaient des pattes de chèvre, avec les sabots et les poils noirs. Les flammes crépitantes projetaient des ombres en une étrange sarabande sur les menhirs alentour.
Presque en face de moi, près des menhirs se trouvait une ombre que je n’avais pas vue auparavant, et mon sang se gela dans mes veines. C’était l’Ankou de tout à l’heure ! Mais il ne participait pas aux festivités, totalement immobile dans son coin. Son chariot et ses victimes étaient invisibles.

Je décidai de m’éclipser et de les laisser s’amuser seuls. Je retrouvai, à force de tâtonnements, la piste de branches cassées et pus rejoindre mon vélo. A la proximité de celui-ci se trouvait un fourré d’assez grande taille. Je tassai quelques tiges et m’y couchai, épuisé. Cette litière improvisée était assez moelleuse.
Après toutes ces émotions, j’avais bien besoin de repos. Tout ce que j’avais vu m’amena tout de même à me poser des questions : Où étais-je ? Ou bien quand étais-je ? Et pourquoi y étais-je arrivé ? Comment pourrais-je revenir dans mon monde ? Ces supputations m’achevèrent et je m’endormis, épuisé.


Je courais dans les bois obscurs, traversés ça et là de quelques rayons blafards. Je fuyais des prédateurs invisibles.

Soudain je me trouvai devant une ombre imposante. Sous le capuchon brillaient deux yeux argentés. L’être se pencha en avant et je vis son sourire crispé.

La créature dit, avec une voix sépulcrale Gekkä dak kenkö ak gada täk ed totägrat.

Des vers tous tout blancs sortaient d’entre ses dents et son haleine pestilentielle me les projeta sur le visage.

Je m’évanouis de dégoût car les larves cherchaient mes orifices pour y rentrer, tandis que j’entendais un rire dément.
Les vers rampaient sur la peau de mon visage en laissant une lymphe blanchâtre...


J’ouvris les yeux. Une forme oblongue se tourna vers moi ; des yeux sombres clignèrent tandis que des petites mandibules remuaient. Une fourmi ! Je m’étais couché sur une fourmilière. J’en avais partout sur le corps. Je me tortillai en tous sens et réussis à en chasser la plus grande partie.

Une fois à peu près tranquille, je regardai autour de moi ; j’étais encore dans le brouillard. Les troncs des chênes s’estompaient dans la purée de pois. J’attrapai mon vélo, recouvert d’une fine pellicule de rosée. La matinée devait être bien avancée, car bientôt les nuées se dissipèrent sous l’action du soleil qui était presque au zénith.

Réprimant les gargouillements de mon estomac, je coupais un sentier que je suivis en direction de l’ouest. Je finirais bien par trouver une ville, une route...
Et effectivement je trouvai quelque chose. Toujours dans la forêt, à une centaine de mètres devant moi se dressait un étrange édifice. Il avait la forme d’un chapiteau de cirque, de couleur blanc cassé, constellé d’excroissances blanches : peut-être des fenêtres ? La construction, d’un diamètre de cinquante mètres, tranchait dans le décor de forêt celtique.


Mais où étais-je encore tombé ?

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